Limogé pour avoir assumé l’affaire Khelil et refusé de mêler la Justice aux chamailleries du FLN
L’ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, n’a jamais accepté de mêler la justice aux intrigues politiciennes ou à la guerre des clans. Il fait les frais de sa volonté de préserver son autonomie de décision et celle du département dont il avait la charge. Mohamed Charfi a été limogé pour avoir accéléré l'instruction de l'affaire Chakib Khelil et la délivrance d'un mandat d'arrêt international contre lui et sa famille dans l'affaire Sonatrach. Une décision courageuse et historique qui a dû surprendre certains cercles de décideurs et amené les «amis» de l’ancien ministre de l’Energie à prendre leurs précautions pour s’en prémunir, en s’attelant à parasiter l’information dans les médias, distillant dans la presse qu’Interpol ne rechercherait pas Chakib Khelil et évoquant des erreurs de procédure. Pour rappel, la justice algérienne avait lancé, le 12 août dernier, des mandats d’arrêt internationaux contre neuf personnes, dont l’ex-ministre de l’Energie. Le procureur général près la cour d’Alger avait affirmé avoir envoyé une convocation à M. Khelil pour comparaître devant les juges algériens et répondre des accusations de corruption sur des marchés conclus entre 2003 et 2011. C’est à la suite du refus du mis en cause de se présenter que des mandats d’arrêt avaient été lancés. L’enquête était encore en cours et promettait de nouveaux rebondissements, mais le départ précipité de Mohamed Charfi risque de tout remettre en cause. Des observateurs craignent même que d’autres subterfuges soient inventés pour ralentir la procédure, voire même classer l’affaire. Par ailleurs, on reproche à Charfi d’avoir refusé de mêler son département à la guerre intestine qui ronge le FLN et de valider la tenue de la session extraordinaire du comité central qui a permis, fin août dernier, d’introniser Amar Saïdani, coopté par le clan présidentiel pour s’en servir comme tremplin pour les besoins de la prochaine présidentielle qui s’annonce capitale. Ultime injure à l’Etat de droit et à l’indépendance de la justice, la décision rendue par le Conseil d’Etat sera annulée par un jugement prononcé le lendemain par un simple tribunal administratif. Cet acte flagrant de manipulation et de pervertissement de la justice annonçait, en fait, la disgrâce d’un homme qui est resté intraitable jusqu’au bout. A peine Mohamed Charfi a-t-il été remercié, que ses bourreaux actionnent déjà une certaine presse pour attribuer son départ à des accointances politiques avec Ali Benflis, candidat potentiel à la prochaine présidentielle. Envelopper l’éviction de ce ministre courageux dans un emballage politique est une façon de le discréditer et de dévaluer son travail remarquable dans la lutte contre la corruption durant son court passage à la tête du ministère de la Justice.
R. Mahmoudi
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