L’ENTV censure Mustapha Boudina et l’écrivain Tahar Ouettar
La production audiovisuelle en Algérie peine à s’affranchir des pesanteurs du monopole et de l’ostracisme, tels qu’ils sont toujours exercés au niveau des organismes publics, et notamment de l’ENTV, malgré les changements structurels qui ont été opérés dans ce domaine, et les directives qui ont été données par la tutelle pour dynamiser et libérer ce secteur névralgique, à l’ère de la révolution numérique et de la prolifération des chaînes satellitaires. C’est ce qu’illustre, en tout cas, l’attitude pour le moins incompréhensible de la direction de la programmation de l'ENTV envers deux documentaires de haute facture réalisés par un journaliste algérien, Mohamed Zaoui, sélectionnés au Festival international d'Alexandrie, et dont l’un a été primé au Festival international de Dubaï. Il s’agit d’un documentaire consacré à l’illustre militant nationaliste, Mustapha Boudina, ancien condamné à mort par la France coloniale et ancien secrétaire national de l’UGTA, et d’un entretien-testament réalisé par l’auteur, chez lui à Paris, avec le regretté Tahar Ouettar, aux dernières heures de sa vie. L’auteur de l’As et du Palais et le pêcheur, dont les œuvres sont traduites dans plusieurs langues, s’y est livré à d’ultimes confessions, et a évoqué, en exclusivité pour Mohamed Zaoui, des épisodes inconnus de son riche et long parcours de militant, d’écrivain et de débatteur impénitent. Voulant faire profiter le public algérien de ses recherches et de ces portraits rares, le réalisateur a proposé ses deux produits à la direction de la programmation de la Télévision algérienne, mais à ce jour, aucune suite n’a été donnée à sa proposition. Expression d’ignorance ou de mépris pour l’innovation, la création et l’esprit d’initiative, ou des deux à la fois, ce blocus qui ne dit pas son nom, qui est imposé aux documentaires algériens réalisés par des cinéastes indépendants, finit par désespérer les producteurs algériens de leur télévision nationale. Nombreux sont ceux qui, à l’image de Mohamed Zaoui, s’en plaignent et s’interrogent sur les motifs de ce rejet, au moment où cette même télévision achète, en devises fortes, des produits étrangers de piètre qualité et destinés à endoctriner ou abrutir un public dont on sait pourtant qu’il a, désormais, l’embarras du choix devant tout ce qui lui est proposé sur les autres canaux.
Sarah L.
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