Egypte : le général Al-Sissi dans la peau d’un chef d’Etat
Tout indique que le chef du Commandement des forces armées égyptiennes aspire à jouer un rôle beaucoup plus important pour son pays, après avoir conduit le mouvement de redressement qui a destitué Mohamed Morsi le 3 juillet dernier. L’homme se sent tellement écouté qu’il s’est permis de lancer un appel, sans intermédiaire, à la population pour manifester, demain vendredi, contre la violence des Frères musulmans, et lui donner le quitus nécessaire pour encager leurs nervis et évacuer la place Rabia Al-Adawiya, occupée par les islamistes depuis deux semaines. Face à ses troupes, le général Al-Sissi a donc parlé comme un vrai chef d’Etat et s’est clairement présenté comme le sauveur de la nation et de la République. L’histoire des pays arabes nous apprend qu’à chaque fois que la situation arrive à une impasse ou lorsque la sécurité nationale est gravement menacée, le recours à l’armée se fait très naturellement. Cela a été le cas en Algérie en 1994-1995 lorsque le ministre de la Défense de l’époque, le général Liamine Zeroual, a été porté à la tête de l’Etat, sous une puissante poussée populaire, pour parer à la déferlante terroriste qui menaçait la République dans ses fondements mêmes. C’est le cas présentement de l’Egypte, où seul un homme fort semble en mesure à la fois de rétablir le calme dans le pays et endiguer le péril islamiste plus pesant que jamais. Les protestations tournent à l’émeute et augurent d’un glissement dangereux vers la guerre civile, dont les symptômes ont commencé à apparaître dans la région du Sinaï, où des groupes armés ont déclenché la guérilla. Selon la «feuille de route» en vertu de laquelle les nouvelles institutions ont été mises en place, des élections présidentielles sont prévues dans huit mois. De nombreux acteurs politiques estiment que le général Al-Sissi est la seule personnalité dans la conjoncture actuelle à pouvoir se targuer d’un large consensus dans la classe politique hétéroclite et divisée, mais aussi dans la société en quête d’un homme providentiel. Ce qui accrédite davantage cette thèse, c’est que l’armée, dans un tel état d’esprit et vu ses engagements, ne saurait prendre le risque de laisser encore une fois le pays en proie à de nouveaux aventuriers. Il est l’homme le plus populaire d’Egypte depuis le «coup d’Etat», la preuve est que son portrait était porté par des millions de manifestants, le 3 juillet dernier. A 59 ans, le général Al-Sissi est considéré comme l’un des plus jeunes membres de l’ancien commandement des forces armées. Son ascension au pouvoir ne ferait que reprendre la lignée des Officiers libres, qui a commencé avec le colonel Gamal Abdenasser, en juillet 1952, et qui aura été interrompue, pour un court intervalle, par cet obscur personnage évadé de prison.
R. Mahmoudi
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