Meyssan : «Aucune médiation n’est possible en Syrie»
La réaction du journaliste Thierry Meyssan, fondateur du Réseau voltaire, ne s'est guère fait attendre à propos des récentes déclarations du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Ce dernier qui était en visite dans un camp de réfugiés syriens à la frontière turque avait déclaré que «le régime syrien doit être abattu et rapidement (…) Bachar El-Assad ne mériterait pas d'être sur la terre». Interviewé par la radio francophone iranienne, Meyssan a fait part de son «étonnement» devant les propos de Fabius qui, selon lui, «est d'une manière explicite un appel au meurtre». «Ce n'est pas une coutume dans la diplomatie, et encore moins dans la diplomatie française, d'appeler publiquement à l'assassinat d'un chef d'Etat en exercice, même en étant en violente opposition avec lui», a dénoncé Meyssan. Le journaliste a qualifié cette déclaration «d'escalade que la diplomatie française n'a pas connu depuis la période coloniale».
Meyssan a expliqué que l'expression «destruction de tout un peuple» par laquelle Fabius accuse le président syrien Bachar El-Assad fait référence à un célèbre livre sur la destruction des juifs d'Europe. «M. Fabius assimile le président El-Assad à une sorte de nouvel Hitler exterminant un peuple. Mais cette phrase n'a absolument aucun sens», s'est-il exclamé. En ce sens, il a souligné que le chef d'Etat est un Syrien et que l'armée syrienne est composée de jeunes gens, et qu'elle est représentative de toute une population dans sa diversité. «M. Fabius pense que les jeunes conscrits tuent leurs parents et exterminent un peuple. Cela n'a aucun sens. A force de lancer des expressions de propagande emphatiques, on en arrive à un moment où la rhétorique perd tout lien avec la réalité», a-t-il reproché.
A propos des rumeurs sur la défection du vice-président Farouk El-Chareh, Meyssan a estimé qu'il fallait mieux se fier au communiqué de la vice-présidence rendu public, contestant cette défection, plutôt que de partir sur des pistes rocambolesques. «Il est tout à fait normal que le vice-président ne se montre pas tous les matins sur son balcon. Ici, on assassine les principaux dirigeants dès qu'ils mettent le nez dehors. Lui, comme les autres, se tient à l'abri», a-t-il expliqué. Pour lui, cette annonce de défection du vice-président et à mettre, jusqu'à preuve du contraire, dans le même panier que les défections de généraux, dont l'annonce se fait quotidiennement. «Nous en sommes à 37 maintenant , alors qu'on a jamais été capable de nous donner le nom précis de ces gens-là, de nous montrer leurs photos, d'expliquer ou ils se trouvaient. Donc, tous les jours, on nous annonce des défections imaginaires», a-t-il encore expliqué.
A la question de savoir si la Turquie, en coordination avec les Etats-Unis, aurait décidé de fournir des missiles anti-aériens aux rebelles pour pouvoir intercepter les avions syriens, le fondateur du Réseau voltaire a confirmé l'existence de ce genre de missiles dans les mains des rebelles et cela après avoir assisté, a-t-il assuré, à une bataille, où l'armée a utilisé un hélicoptère pour déloger des rebelles qui s'étaient installés dans un endroit particulier. «Les contras ont lancé des tirs de missiles sol-air à courte portée, pour essayer de détruire l'hélicoptère», a-t-il raconté. «Apparemment, ces gens ne savent pas s'en servir, parce qu'ils n'ont pas réussi à détruire l'hélico», a-t-il ajouté. Interrogé sur le fait que ce soient des Turcs qui ont la charge de s'en servir, Meyssan a estimé que bien qu'ils puissent y arriver, les Turcs n'étaient pas à Damas ces derniers jours pour effectuer de telles opérations, tout en rappelant que plusieurs officiers turcs ont été arrêtés en Syrie et cela, a-t-il poursuivi, «va commencer à faire désordre en Turquie».
A la question de savoir comment la nomination de Lakhdar Brahimi, comme médiateur onusien, a été accueillie, Meyssan a rappelé les dires de Kofi Annan qui avait déclaré en démissionnant que celui qui prendra ce poste ne pourra rien faire. «Donc, que ce soit Brahimi ou un autre, cela ne changera rien», a-t-il affirmé. Pour étayer ces propos, le journaliste a conté les conditions particulières dans lesquelles Annan avait donné sa démission. «La presse aux Etats-Unis a révélé que, depuis plusieurs mois déjà, le président Obama avait signé un ordre secret d'intervention militaire sur le territoire syrien. Dans ces conditions, et au moment où les Etats-Unis ont rendu public son double jeu, il était évident qu'aucune médiation n'était possible», a-t-il soutenu.
Mohamed El-Ghazi
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