Khaled Nezzar : «Certains gonflent à dessein le nombre des victimes du terrorisme»
Le général Nezzar est revenu, dans la neuvième partie de l’interview qu’il a accordée à Ennahar TV, sur la situation créée par le terrorisme durant les années 1990. Il explique qu’à fin 2000, quelque 47 000 morts répartis en 31 934 parmi la population et les forces de sécurité, et 15 200 parmi les terroristes, ont été enregistrés, ainsi que plus de 21 000 blessés. «47 000, c’est beaucoup, c’est une tragédie nationale, mais pourquoi multiplier ce nombre par 4 et annoncer 200 000 ? Les jeunes qui m’ont interpellé au cimetière d’El-Alia ont même parlé de 300 000 morts», s’interroge-t-il. «Quand les politiques n’arrivent pas à faire face à une situation, ils chargent les autres.» Il rappelle que les statistiques des victimes étaient tenues quotidiennement. Les vrais chiffres (47 000 morts, 21 000 blessés) ont déjà été donnés, mais personne n’en a parlé. Il y eut également de très grosses pertes financières et matérielles, «c’était une politique de la terre brûlée», souligne-t-il. «Ce n’est pas nous qui avons déclenché la tragédie, nous, nous avons défendu le pays, ceux qui ont provoqué la tragédie sont connus», ajoute-t-il, estimant que c’est aux historiens de montrer cela.
A propos des disparus, le général Nezzar juge que la voie choisie par le président de la République pour régler ce problème est bonne, «il y a une commission qui s’en occupe». Il met en garde contre les risques de retomber dans la violence si on ravive le feu : «Aujourd’hui, chacun sait à qui il a à faire, les gens savent qui a tué leurs proches, les tueurs sont libres.» «On a agi à chaque fois qu’il y a eu des dépassements de la part des forces de sécurité : 168 militaires et policiers ont été jugés, dit-il, et s’il y a eu d’autres dépassements, on n’était pas au courant.»
Pour le général Nezzar, le nombre de disparus est de 8 000. «Dans les rangs des terroristes c’était la clandestinité, fait-il remarquer, au cours des accrochages avec les forces de sécurité, les terroristes ne laissaient pas leurs morts, ils avaient des éléments chargés de les emmener.»
Il n’y a pas de prison secrète en Algérie, insiste le général Nezzar qui rejette l’idée que des «disparus» se trouveraient en détention. Il rappelle qu’il y a eu un livre blanc fait par les ONG qui cite des cas de disparus supposés avoir été tués par l’armée, «nous avons enquêté sur ces noms, tous ont rejoint le maquis et certains ont été égorgés par les terroristes», précise-t-il. «Des familles ne savaient pas ce que faisaient leurs enfants, or, ils étaient au maquis ou participaient aux actions terroristes.» Ce livre avait évoqué le cas d’un enfant brûlé par l’armée, c’était faux, «son père est venu témoigner au procès de Paris», souligne le général Nezzar. Il reconnaît que le FIS a été plus fort en communication grâce aux chaînes satellitaires Al Jazeera, Al Arabya… le FFS aussi avec les ONG. Si le général Nezzar reconnaît qu’il y a eu des dépassements, il insiste sur le fait que «les plus grandes erreurs ne sont pas venues de l’armée, jamais ! Ce sont les autres qui doivent reconnaître leurs erreurs : ils ont tué, égorgé, jeté des cadavres dans des puits, il y a eu des charniers». «Il y a eu des actes de sauvagerie inimaginables, à l’exemple du cas où sur le lieu d'un massacre, un jeune du service national est arrivé le premier pour découvrir un bébé qui a été fracassé contre un mur ou une femme éventrée. Les gens en sont malades jusqu’à aujourd’hui.»
Le général Nezzar rejette le qualificatif d’éradicateurs collé aux militaires. «On a beaucoup entendu le mot éradicateur, dit-il, or, c’est l’armée du peuple, ce sont les enfants du peuple.» «Le problème n’est pas là, explique-t-il, nous sommes des militaires avec une formation militaire, on savait dès le début que la situation était difficile, on savait qu’il ne pouvait y avoir d’éradication face à ce type d’actions. Mais l’action sécuritaire était indispensable, en parallèle à d’autres démarches.» Pour lui, «tant que personne ne condamne le terrorisme, il agit, mais, estime-t-il, le peuple a été conscient, et sans lui on n’aurait pas réussi». «Si nous étions éradicateurs, personne ne serait descendu du maquis, mais 6 000 l’ont fait», conclut-il, en allusion au travail fait par l’armée, dans le cadre de la politique de la rahma, pour convaincre les terroristes de déposer les armes et se rendre.
Ramdane Ouahdi
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