Les Turcs et les Syriens dépouillent les tanneurs algériens
Le trafic de peaux brutes a atteint un seuil critique. Les tanneurs et les mégissiers algériens sonnent le tocsin. Car la situation devient intenable pour eux qui risquent tout simplement le dépôt de bilan. La matière première, constituée essentiellement de peaux brutes, est étrangement introuvable depuis plusieurs mois. La raison est qu’elle est frauduleusement exportée vers les pays de l’Europe de l’Est et du Moyen-Orient, grâce à des réseaux transnationaux organisés. Lors de sa dernière assemblée générale, l’Association nationale des tanneurs et des mégissiers algériens a fait savoir que les Turcs et les Syriens sont à la tête de ces réseaux de trafic qui ont pignon sur rue. «Ces casseurs de la tannerie algérienne sont des étrangers en collaboration avec des Algériens. Ils activent souvent avec des registres de commerce et des installations n’obéissant à aucune règle ni aux normes légales», dénonce cette association qui interpelle vivement le ministre du Commerce afin d’agir rapidement pour stopper cette contrebande de peaux brutes qui risque de provoquer la faillite de tout un secteur pourvoyeur d’emplois. La fermeture en 2007 de la Société de collecte et de conservation des peaux et cuirs (Socop, entreprise publique), qui avait un rôle stratégique dans le secteur des cuirs, a donné un coup dur et complètement déstabilisé le circuit d'approvisionnement en matière première. En 2007, des exportations frauduleuses vers l'Italie, la Turquie et la Grèce ont franchi la barre de 6 millions d'euros, indique le secrétaire général de la Fédération nationale du textile et cuir, Amar Takdjout, dans une déclaration à «algeriepatriotique.com». Des pertes économiques énormes. Incommensurables. Chaque année, lors de la fête de l’Aïd El-Adha, près de 4,7 millions de bêtes sont sacrifiées. Cela représente en termes de peaux de quoi faire fonctionner à plein régime toutes les tanneries et mégisseries algériennes pendant une dizaine d’années. Une bonne partie est détournée par les contrebandiers. Les conséquences de ce trafic se sont fait ressentir dans la baisse de la production industrielle des cuirs et chaussures de 10% en 2010, selon les chiffres de l'Office national des statistiques. Les pouvoirs publics sont ainsi fortement interpellés pour mettre un terme à ce trafic et prendre les mesures nécessaires pour relancer ce secteur important pour l'essor industriel du pays.
Sonia Baker
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