Silence des institutions et bruit des médias : veut-on faire sortir le général Toufik de sa réserve ?
Des pressions psychologiques et médiatiques soutenues sont exercées depuis quelques jours sur le patron du DRS, le général de corps d’armée Mohamed Mediene, visant soit à le discréditer, comme vient de le faire le secrétaire général du FLN, soit à relayer des rumeurs selon lesquelles le chef de l’Etat aurait signé la mise à la retraite du chef des services des renseignements et une centaine d’autres hauts gradés. Ces attaques synchronisées convergent vers un même objectif : celui de déstabiliser l’institution militaire à des fins de repositionnement politique à la veille de l’élection présidentielle, en tentant sournoisement de «démythifier» un homme qui ne s’est jamais impliqué dans les débats publics. Ce qui accrédite cette hypothèse, c’est le silence suspect des institutions habilitées à répondre à cette série d’attaques, notamment le ministère de la Défense nationale qui, d’habitude, est si prompt à réagir à la moindre critique de l’armée et de son rôle. Le MDN a même interdit à la presse de la traiter de «grande muette». Son mutisme est mal vécu par tous ceux qui se sentaient offensés par les outrages d’Amar Saïdani et qui attendaient, en vain, un communiqué des Tagarins qui eût pu laver cet affront fait à l’ANP. L’autre institution républicaine restée amorphe face à une telle dérive, c’est la Justice qui, à travers le parquet public, aurait pu s’autosaisir et intenter un procès contre celui qui a délibérément porté atteinte à une institution républicaine, en se référant notamment à l’article 46 de la Charte sur la paix et la réconciliation nationale, qui punit d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d'une amende de 250 000 DA à 500 000 DA quiconque qui, «par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servi ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international». La même indifférence est constatée du côté du gouvernement, puisqu’aucun de ses membres n’a réagi à ces accusations gravissimes proférées contre un des symboles de la souveraineté nationale. Le seul à l’avoir fait, Amar Benyounès, s’est prononcé en tant que leader de son parti, le MPA. Quant au silence du président de la République, en sa qualité de ministre de la Défense nationale et de chef suprême des forces armées, il est doublement injustifié. Tous ces indices confirment qu’on est face à une stratégie visant à faire sortir le général Toufik de son mutisme légendaire. Or, il y a très peu de chances que le chef du DRS accepte de se prêter si facilement à un tel jeu, lui qui a eu à s’exposer à des situations bien plus graves, depuis le début des années 1990, où l’institution qu’il dirige était soumise à de terribles pressions internationales pour faire plier notre pays et soumettre l’Etat algérien à la capitulation face à l’hydre terroriste. Cela dit, toute cette permissivité dangereuse qui règne sur la scène politique et médiatique est d’abord imputable au silence jamais expliqué du président Bouteflika. C’est plutôt sur lui que devraient se focaliser les hommes politiques et les médias pour le pousser à parler enfin.
R. Mahmoudi