Le Pen, caméléon ou reconverti ? Les avis de nos lecteurs sur son interview à Algeriepatriotique
Nombreux à réagir par leurs commentaires à l’interview exclusive du leader historique du Front National (voir AP), nos lecteurs ont montré, pour la plupart, un sens du discernement que l’on peut qualifier d’extraordinaire quand on connaît le sentiment que les Algériens ont de cette personnalité politique française dont le nom est lié aux pires atrocités commises par l’armée coloniale durant notre guerre pour l’indépendance. Le jeu de questions-réponses sous la forme de dialogue direct, utilisé dans cette interview, garantit une part, plus ou moins grande, de spontanéité, que ne permet pas la formule des questions écrites et envoyées à l’avance, qui laisse le temps de réfléchir et peut amener l’interviewé à dire ce qu’il ne pense pas. Dans leurs commentaires, d’ailleurs, nos lecteurs ne doutent pas que Jean-Marie Le Pen pense ce qu’il dit dans l’interview, ce qui explique la pertinence de leurs commentaires, à quelques rares exceptions près. Les commentaires ont couvert, globalement, le spectre des opinions des Algériens à l’égard de Jean-Marie Le Pen. Ils font la distinction entre l’acteur de la vie politique française et celui qu’ils considèrent comme un tortionnaire, partisan convaincu de l’Algérie française et venu en 1957, avec cette motivation, comme engagé et non comme appelé, pour «casser du fell (fellagha)», pour reprendre la formule raciste qui avait cours chez les parachutistes. Nos lecteurs ont remarqué que Le Pen n’a pas digéré l’indépendance de l’Algérie dans son intégrité territoriale. Il est contraint de prendre acte du premier fait et continue encore de contester le second. Un lecteur relève «certaines contrevérités le concernant et concernant le colonialisme français jusqu'à présent d'ailleurs». Un autre lecteur note que «M. Le Pen, malgré son grand âge, refuse de faire repentance de ses actes, a-t-il livré ses mémoires de la bataille d'Alger ?» Il est rejoint par un autre commentaire qui souligne que «ce Le Pen a commis des crimes atroces en Algérie pendant la guerre de Libération et ce n’est pas du jour au lendemain que ce bourreau deviendra un ange ! Il devrait commencer par demander des excuses au peuple algérien». «Si on essaie de faire abstraction sur le passé de J. M. Le Pen en Algérie et tourner la page avec des excuses», comme c’est suggéré dans un des commentaires, l’opinion majoritaire pourrait être résumée dans le commentaire d’un autre lecteur qui pense qu’«on ne peut pas lui reprocher son amour pour son pays, à quoi bon juger un type de 94 ans (en fait, il en a 86) qui aime son pays et l'a servi» ? Il est appuyé indirectement par l’auteur d’un commentaire qui estime que «pour nous il a dit des choses logiques, sensées, correctes et intelligentes sur la Libye, la Syrie, les musulmans, l’Amérique et BHL. Nous partageons donc la majorité de son avis». Les avis sont partagés concernant la double nationalité. Ainsi, pour l’un, qui comprend l’opposition de Jean-Marie Le Pen à ce statut, «la plupart des gens qui demandent la double nationalité le font pour avoir la paix concernant les déplacements, sortir tranquillement du pays, mais jamais par amour pour la France, sauf pour une petite minorité» ; pour un autre : «La double appartenance qui n’est pas le fruit d’un calcul en vue de facilités administratives». Est-il raciste ? Les opinions ne sont pas unanimes. «Je trouve tout de même que JMP n'est pas raciste comme on veut le présenter au peuple français notamment, on lui prête un racisme à l'égard des immigrés mais tout ça n'est que bobards des journaleux proches des lobbys très puissants en France pour remonter les Français les uns contre les autres et faire oublier les dégâts causés par ce même lobby. JMP n'est pas raciste et n'est pas contre les musulmans et les Arabes en particulier en tant que tels», lit-on dans un commentaire qui rappelle que «… au moment où le monde occidental jetait à la vindicte Saddam Hussein, Jean-Marie Le Pen est allé à Baghdad lui serrer la main pour l’encourager à résister contre les sionistes, Yankee et autres Européens». Un lecteur appelle à éviter d’être naïfs, car Jean-Marie Le Pen est «égal à lui-même, c'est-à-dire raciste, prétentieux, arrogant envers les Algériens, pour la simple raison qu’il a commis des crimes et ne s'en est jamais excusé». Entre ces deux avis tranchés, il y a celui qui a «plutôt l’impression que Le Pen pratique la politique de la main tendue envers les Algériens que le racisme qu’on lui prête actuellement». Alors, Jean-Marie Le Pen, caméléon ou reconverti réellement ?
Kamel Moulfi