Le Mossad et les services français n’ont jamais quitté le Maroc
Le Mossad, à sa création en 1951, avait réussi à s’implanter dans les communautés juives du Maroc, avec surtout des cellules à Casablanca et Meknès. A Casa, dans l’ancienne Médina, à la rue de Larrach, à Sidi Fateh, Sidi Bousmara, Sekkala, Derb Essoufi, Derb el-Jrane, Cinéma Maghrib, Bab Marrakech et au Mellah, à proximité de Jamaa Chlouh. Une de ses actions consistait à recruter des adolescents dans les mouvements de jeunesse sionistes, à l’image de ceux qui existent en Israël (Dror, Bné Aquiva, Hashomer Hatzaïr…) dans le but de répandre leur idéologie et de les faire partir en Israël ainsi que leurs familles. Mais il y avait en parallèle des juifs marocains, qui avaient plus de 20 ans, et qui étaient organisés en groupe d’autodéfense, sous la direction d’agents traitants du Mossad à l’image de Haim le dépositaire en liqueurs, Chamôune employé à la base militaire américaine de Nouacer, Hana Tanjaouiâ, Ester, Suzane qui entretenaient une maison close, pour collecter les renseignements, le groupe de Didi et Ben Zakine qui surveillait les activités du port et le mouvement des militants algériens, Baroukh le pseudo-rabbin et bien d’autres. Ces sayanim et metsada agissent le plus souvent dans la société marocaine pour aider le Mossad, non pas dans une vision d’autodéfense, mais pour pratiquer la désinformation, propager les troubles, exécuter des actes de sabotage ou aider concrètement les espions israéliens et parfois s’infiltrer dans les rangs de l’opposition, ou au sein des partis communistes dans les pays du Maghreb.
60 années après le 1er novembre 1954, le Mossad continue à espionner l’Algérie à partir du Maroc. Dans les années cinquante et début soixante, devant l’ampleur des activistes algériens, le gouvernement français a constitué une «war room», conseil de guerre ultrasecret et restreint, chargé de dresser «une liste de personnalités acquises au FLN» et d’hommes publics particulièrement ennemis de la France à neutraliser ou à liquider. Les membres du commissariat politique du FLN à Casablanca, supervisé par le commissaire politique Boudghen Stamboli alias Si Rachid et son adjoint Benmessaoud, étaient ciblés directement et espionnés par les juifs et quelques Marocains collabos, des marginaux. La liste comprenait des Algériens et aussi des Marocains, Zerktoni, un résistant marocain a été assassiné, Allal El-Fassi, un homme politique, est le premier homme marocain désigné à abattre après Zerktoni. Le colonel Le Roy-Finville, chef du service 7, spécialisé dans l’obtention de renseignements pour le compte du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), le décrit comme «un Marocain vigoureusement anti-français et allié virulent au FLN». «L’idée, écrit Le Roy-Finville, est de faire sauter Allal El-Fassi et les autres chefs de l’Istiqlal à l’occasion d’une de leurs rencontres à Tétouan, en zone espagnole», prévue à l’hôtel Dersa. Le service 7 s’est chargé de fournir au service Action toutes les indications techniques : poids d’explosif nécessaire, épaisseur des murs, systèmes de sécurité, etc. «Du travail tout mâché.» Sauf que «les militaires ne veulent pas se salir les mains» et constituent «un petit groupe de juifs et de repris de justice qui se disent prêts, eux, à faire la sale besogne. Contre une bonne récompense (…) et des protections pour leurs petites affaires sales».
Ces spécialistes de la sale guerre, connus sous le terme de barbouzes, sont dans leur grande majorité des truands employés par les services secrets français (SDECE) pour les basses œuvres. On les retrouve à Alger après le 19 juin 1965 : cinq truands français employés par les services français arrivent à Alger avec mission d’assassiner Houari Boumediene, Bouteflika, Kaïd Ahmed et le chef des opérations de la Sécurité militaire, le capitaine Abdellah Benhamza. Ils seront découverts et mis hors d’état de nuire à leur arrivé à l’aéroport d’Alger. Ils sont notamment utilisés dans les «contrats homo», expression désignant l’élimination physique de personnes gênantes pour les intérêts de la France. A la tête des truands engagés par les services spéciaux pour assassiner Allal El-Fassi, Jo Attia et Georges Boucheseiche, deux agents français d’origine juive et proches du Mossad. Ceux-là mêmes qui seront impliqués, fin octobre 1965, dans l’affaire de l’enlèvement et assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka. Des tueurs professionnels. Le colonel Leroy-Finville surnomme la tentative avortée d’éliminer le chef de l’Istiqlal de «fiasco Attia». C’est que Jo Attia et Georges Boucheseiche, «le grand Malabar» et «le petit gros», sont à la discrétion ce que l’hippopotame est à la grâce. Les négligences perdurent à leur arrivée au Maroc : la première valise piégée installée à l’hôtel Dersa explose dans la mauvaise direction. La seconde, installée par les soins d’Attia dans la villa d’Allal El-Fassi, est retrouvée et désamorcée par la police espagnole grâce à la vigilance des Algériens. Ce qui nous fait rappeler la conférence afro-asiatique organisée à Alger en 1972 : un espion, sous couverture d’ingénieur français, travaillant au Club des Pins, avait placé une bombe dans la cafétéria des journalistes. Heureusement, il s’est gouré dans ses calculs, la bombe a explosé dans le temps mort, personne n’y était présent, elle a seulement provoqué des dégâts. Le premier «contrat homo» est un échec. Après cette tentative d’assassinat avortée, la police locale se lance aux trousses de la bande. Les agents français se replient vers Tanger, auprès d’un gérant de bar français. Ce dernier leur présente Antoine Lopez, chef d’escale Air France, à l’aéroport de Tanger. Cet agent secret du SDECE, qui sera impliqué dans le kidnapping de Ben Barka en 1965, peut les rapatrier en France en leur évitant police et douane. Ils seront tous arrêtés et emprisonnés quelque temps. Le Mossad a été réellement impliqué durant la Révolution contre le FLN et l’ALN. A 78 ans, l’agent sioniste Abraham Barzilai parle, aujourd’hui, de son passé d’agent du Mossad en Algérie. A 29 ans, il a été envoyé en Algérie par le Mossad accompagné de sa femme pour s’installer à Constantine avec pour mission de monter des cellules et une antenne opérationnelles contre le FLN/ALN, sous couverture d’enseignant d’hébreu, avec la collaboration de la famille du chanteur Enrico Macias. Son oncle Raymond était chef de cellule. L’agent Abraham et son officier traitant Chlomo Havilio, en poste en 1956 à Paris, avaient monté une opération qui a entraîné et armé des cellules composées de jeunes juifs de Constantine pour lutter contre l’ALN. Ces deux agents avaient déjà servi dans la sinistre unité 131 des assassins terroristes du Mossad en Egypte. Ces agents sont plus connus dans jargon des services comme étant des metsada, toujours chargés des opérations spéciales. Ce service existe toujours, il fait partie de la division de la recherche ; selon le découpage du Mossad en 15 zones géographiques, le Maghreb occupe une place prédominante surtout depuis que l’entité sioniste s’est mis dans l’idée la normalisation avec Rabat et Tunis. Déjà présent en Mauritanie, le Mossad a installé des cellules d’écoute et a lancé des opérations de terrorisme au Sahel pour occuper les peuples du Maghreb. Tout ce qui se passe au Sahel et au nord du Mali est l’œuvre d’Israël.
A. Ben, ancien membre FLN/ALN à Casablanca