2014 : regain des tensions et détente cohabitent sur la scène internationale (V)
Regain de tension par-ci, semblant de détente par-là, c’est l’impression que donnent les deux grands événements qui ont marqué la scène internationale en 2014 : le rattachement de la Crimée à la Russie, dans le feu de la guerre civile en Ukraine, et la normalisation des relations avec Cuba, décidée par les Etats-Unis, sous la pression des pays d’Amérique latine. Nombre d’observateurs considèrent que la guerre en Ukraine a été, en 2014, le facteur le plus déterminant dans les relations internationales, à nouveau centrées autour du rapport Russie-Etats-Unis, comme au temps de la guerre froide. La décision du gouvernement ukrainien de Nikolaï Azarov, fin 2013, de reporter la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne (UE) a eu un effet boule de neige, accéléré par le coup d'Etat à Kiev, en février 2014, qui a poussé le président Viktor Ianoukovitch à fuir le pays. Les événements sont allés ensuite très vite : en mars, la Crimée décidait de rejoindre la Russie, et en avril, dans le sud-est du pays, malgré la répression déclenchée par l'armée ukrainienne, la révolte populaire aboutissait à la mise en place des Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. Les sanctions contre Moscou ont commencé à tomber, touchant, notamment, les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. La Russie n’a pas hésité à prendre des mesures de rétorsion en décrétant un embargo sur les produits alimentaires occidentaux. Cette situation a provoqué une nette détérioration des relations entre la Russie et l'Occident, et plus particulièrement les Etats-Unis. Et pour corser le tout, le jeudi 17 juillet, un avion de ligne malaisien avec 295 personnes à bord s’écrasait dans la région ukrainienne de Donetsk (est), abattu par un système sol-air. Il n’y a pas eu de survivants, les 280 passagers et 15 membres d'équipage qui étaient à bord ont été tués. Les difficultés du pouvoir pro-occidental installé à Kiev n’ont pas tardé à apparaître à l’occasion de l’examen par le parlement ukrainien du projet de budget pour 2015, en baisse par rapport à celui de 2014, et qui fait la part belle aux dépenses militaires au moment où les alliés européens du pouvoir ukrainien font des coupes dans leurs budgets militaires du fait de la crise qui continuent à frapper encore ces pays. Alors que l'économie ukrainienne est à l’agonie, le pouvoir de Kiev veut mettre 47 milliards de dollars dans les dépenses militaires et ne laisser pratiquement rien aux dépenses pour le secteur de l’éducation et de la santé par exemple. Comment ce conflit va-t-il évoluer en 2015 ? Selon les Nations unies, les hostilités ont déjà fait près de 4 700 morts et environ 10 000 personnes blessées ainsi que d'importantes destructions dans la région. Les autorités de Kiev et les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk ont signé un cessez-le-feu le 5 septembre à Minsk, renouvelé le 9 décembre avec la médiation de l'OSCE. Signe d’apaisement : dans le cadre de cet accord, les deux parties ont procédé à un échange de prisonniers de guerre. De l’autre côté de la planète, c’est un véritable signe de détente qualifié de tournant historique : le17 décembre, les présidents Barack Obama et Raul Castro ont convenu de rétablir les relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis. Elles avaient été rompues par les Etats-Unis en janvier 1961. Après le triomphe de la révolution cubaine de 1959, les premières décisions de Fidel Castro avaient montré son intention de mettre les ressources de Cuba au service de son peuple. C’est ce qui lui valut, à l’époque, l'hostilité des Etats-Unis et l’embargo économique qu’ils imposèrent à Cuba dès 1962. Cet embargo censé, à courte échéance, mettre Cuba à genoux, n’a rien donné, tout comme les tentatives d’assassinat de Castro, ou la guerre idéologique par le biais des puissantes radios, installées en Floride. Au contraire, la sympathie pour ce petit pays jaloux de sa souveraineté et fier de ses résultats en matière de développement humain n’a pas cessé de grandir à travers le monde, y compris aux Etats-Unis. En mai 2015, le 7e Sommet des Amériques qui se tiendra au Panama accueillera, pour la première fois de son histoire, Cuba, en la personne de son président, Raúl Castro. Ce résultat est dû à la décision prise unanimement par les pays latino-américains au cours du précédent sommet de Carthagène (Colombie), en avril 2012, de ne plus tenir de réunions en l’absence du gouvernement de La Havane. Les Etats-Unis (soutenus par le Canada) ont été isolés dans des débats très virulents et contraints de se plier à cette volonté d’associer Cuba. Dans la foulée, Miguel Insulza, secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), avait suggéré aux Etats-Unis «d’essayer autre chose» après plus d’un demi-siècle de politique hostile vis-à-vis de l’île de la Caraïbe, et d’opter pour le «dialogue». Il a été entendu par Obama. Mais il reste à mettre fin à la politique anachronique de blocus économique, commercial et financier qui occasionne de graves dommages à Cuba. L’année 2015 verra-t-elle le gouvernement des Etats-Unis prendre des mesures courageuses pour faire cesser ce blocus et aller vers une normalisation des relations avec Cuba, conformément aux principes du droit international et de la Charte des Nations unies ?
Houari Achouri