Hanin, Djebar, Hurst, Arkoun : des sommités qui auraient pu apporter beaucoup plus à l’Algérie
La romancière Assia Djebar, qui est décédée vendredi dernier à Paris à l’âge de 79 ans, n’est pas à présenter, mais il n’est pas inutile de rappeler que cette Algérienne est lauréate d’une quinzaine de prix littéraires internationaux, au cours d’une carrière longue de plus de cinquante ans, depuis son premier roman La Soif, en 1957, qui l’a immédiatement placée au même rang que les pionniers algériens de la littérature d’expression française. Le destin a voulu que peu de jours après, mercredi matin, un autre natif d’Algérie, le célèbre acteur français Roger Hanin, de son vrai nom Lévy, décédait à Paris à l'âge de 89 ans. Lui aussi, dans son registre, c'est-à-dire le cinéma, le théâtre et la télévision, est très connu des Algériens. D’abord, parce qu’il est né à Alger, plus précisément à Bab El-Oued. Mais peu de nos compatriotes savent et beaucoup d’autres ont certainement oublié qu’en 2000 il avait reçu la médaille de l'Ordre du mérite national au rang de Achir des mains du président de la République. C’est dire le rapport qu’il a avec l’Algérie et la considération que notre pays lui accorde. En dehors de cela, il est connu des Algériens, surtout par sa riche filmographie et ses passages à la télévision française dans la série qui a duré près de vingt ans et qui lui a donné un deuxième nom, celui du commissaire Navarro. Roger Hanin et Assia Djebar, ces deux sommités, nous reviennent dans un cercueil. Assia Djebar sera enterrée demain vendredi, au cimetière de Cherchell. Quant à Roger Hanin, il reposera au cimetière juif de Bologhine (ex-Saint-Eugène). Ces deux grandes personnalités auraient pu aider le pays de leur vivant. Nul doute qu’elles ne demandaient que ça. Dans le même esprit, peut-on oublier Mohamed Arkoun, mort et enterré à l'étranger, et combien d'autres encore ? Certes, l'histoire et le parcours des uns et des autres ne sont pas les mêmes, mais la mort de ces deux icônes et leur «retour» en Algérie une fois trépassées doit nous interpeller : il faut ouvrir la porte à tous ceux qui aiment l'Algérie et qui veulent y venir de leur vivant, y vivre, y investir, y faire de la politique, y produire, etc. Le mérite est encore plus grand quand il s’agit de ceux qui ont choisi, comme Roger Hanin, d’être français, en quittant à l’indépendance le pays où ils sont nés. Bien sûr, il sera difficile, voire impossible de recréer l’ambiance des premières années postindépendance quand ceux que l’on a appelés les «pieds-rouges» avaient aidé l’Algérie sans autre motivation que leur attachement à notre pays à une période où il avait besoin d’enseignants, de médecins, de cadres dans tous les secteurs. Parmi eux, inoubliable, le journaliste français Jean-Louis Hurst, décédé en mai 2014 en France et qui a été inhumé au cimetière chrétien de Diar Sâada d'Alger, comme il l'avait souhaité avant sa mort. Et combien d’autres qui sont encore vivants et qui pourraient, s’ils étaient sollicités, quitter leur confort à l’étranger et apporter ce qu’ils peuvent à notre pays. Mais qui y pense ?
Houari Achouri