Noyautage des filiales maghrébines des firmes de télécoms par les Marocains : l’Algérie espionnée

La filiale maghrébine du groupe suédois de télécommunications Ericsson, dont dépend l’antenne algérienne, est gérée quasi exclusivement par des Marocains. Ce constat établi par certains experts en nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) vient d’être appuyé par un email interne, adressé à la direction régionale, zone méditerranéenne, qui fait état d’une alerte lancée sur le sujet suite au contact d’un média algérien cherchant à vérifier des informations liées à ce sujet. Le contrôle de la filiale régionale par des Marocains, présentés comme proches du Makhzen, expose l’Algérie à des risques incalculables, en sachant que les services secrets marocains ne rateraient en aucun cas une telle aubaine pour espionner l’Etat algérien, avec lequel il entretient des relations tendues. Les risques pour la sécurité nationale sont donc là, puisque ces cadres marocains peuvent avoir accès à des données sensibles. Le pire est qu’Ericsson n’est pas la seule compagnie qui a choisi d'installer son bureau régional Maghreb en dehors d'Algérie en dépit du fait qu’elle constitue le plus grand marché de la région. On trouve en effet les bureaux régionaux d’Oracle, d’HP, Lenovo et de bien d’autres grands groupes internationaux au Maroc ou encore en Tunisie. Mais jamais en Algérie. Ericsson a obtenu d’importants marchés en Algérie ces dernières années. Craignant visiblement la réaction des autorités algériennes, la maison mère cherche à savoir si le choix de favoriser un management marocain sur sa filiale au Maghreb est justifié par des raisons objectives. Le groupe suédois s’inquiète, en effet, de ce choix qui risque d’hypothéquer son avenir en Algérie. Cela, surtout que le Makhzen redouble d’hostilité à l’égard de l’Algérie. La maison mère demande ainsi à savoir pourquoi «les projets (souvent très importants et très sensibles) sont dirigés et pilotés par des Marocains, mais jamais par des Algériens». Aussi, tous les chargés de mission (management, responsable de projets, postes de décision et de contrôle, etc.) envoyés en Algérie, souvent de France, sont en majorité marocains. «Les compétences algériennes ou d’origine algérienne au sein du groupe, en Algérie ou ailleurs, en sont systématiquement exclues, marginalisées et écartées de ces grands projets réalisés dans leur propre pays», constatent les dirigeants suédois de cette entreprise internationale. En Suède, les dirigeants du groupe se disent sensibles au fait que les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc soient très tendues – de cruciaux problèmes politiques existent entre les deux pays – et veulent visiblement éviter le moindre quiproquo avec les autorités algériennes. Car le secteur des TIC en Algérie est considéré comme très sensible, bien qu’ouvert aux investisseurs étrangers. Et voilà que la direction de l’entité Maghreb, à laquelle l’Algérie appartient, tombe entre les mains des Marocains, des Franco-Marocains ou des Français très proches et amis du Maroc. «Une équipe dirigeante politisée appartenant au même lobby pro-pouvoir marocain et très actif au sein de la direction Maghreb-France», est-il écrit dans ce courriel de la maison mère qui veut savoir si «cette politique d’exclusion des compétences algériennes des postes sensibles, notamment pour les grands projets en Algérie, est délibérée, planifiée et vouée au contrôle de tous les réseaux télécoms et informatiques en Algérie par le Maroc». Le fait que des Marocains proches du Makhzen contrôlent la filiale d’Ericsson constituerait un danger pour les différentes institutions algériennes, notamment militaires et gouvernementales. La direction centrale met en avant l’inquiétude que suscite cette mainmise des Marocains sur cette filiale, évoquant notamment le risque d’écoutes téléphoniques qui pourraient être réalisées de Rabat ou de Casablanca, d’espionnage et de sabotage. Mais les autorités algériennes semblent avoir une part de responsabilité par leur laisser-aller et leur indulgence vis-à-vis de cette multinationale qui pratique une discrimination flagrante envers les compétences algériennes en Algérie et en France, parfois au profit des intérêts occultes marocains. L’un des plus grands projets décrochés en Algérie l’est avec la Société industrielle publique des télécommunications (Sitel). Il s’agit du développement de nouvelles solutions destinées aux technologies 3G, 4G et LTE (4G en mode fixe). Grâce à son partenariat avec Sitel, la multinationale a réussi à accaparer tous les nouveaux projets liés aux TIC en Algérie. S’agit-il d’un manquement au devoir de contrôle des intervenants dans un secteur stratégique ? Des questions auxquelles les autorités du pays doivent répondre.
Rafik Meddour
 

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