L’imposture du film El-Ouahrani

Pour le film El-Ouahrani, et en l’absence d’une critique cinématographique algérienne, je me suis tourné vers la critique spécialisée française : des éloges, rien que des éloges ; on peut lire «admirable», «saga populaire», «une réussite», «un film passionnant», «fresque historique à intention exhaustive sur un homme et un pays», etc. Cette unanimité ne fait que confirmer la mauvaise intention française, par une imposture bien pensée et finement encadrée. Avec le film El-Ouahrani, la France et ses artisans de l’idéologie des «bienfaits de la colonisation» agissent contre la mémoire révolutionnaire de notre pays – une sorte de revanche – qu’ils voudraient bien avoir l’opportunité de salir. Une France qui, à l’opposé de tous les pays coloniaux historiques, n’a jamais eu de sentiment de culpabilité vis-à-vis de la guerre d’indépendance et de ses victimes algériennes. Plus grave encore, la France, depuis Sarkozy, affiche clairement ses intentions néocoloniales envers l’Algérie et plusieurs pays d’Afrique. Dans la presque unanime critique française du film El-Ouahrani se dégagent pourtant quelques articles de valeur, écrits par des critiques de cinéma qui respectent leur métier, et là, on peut lire «mise en scène au ralenti» (Ouest France), «sur joué et téléfilmé» (La voix du Nord), «une mémoire forcément meurtrie, subjective, lacunaire, sans doute par choix» (Kritikat). Non seulement l’histoire de l’après-indépendance algérienne, selon le film, est subjective et lacunaire, elle est aussi malintentionnée, sinon, comment expliquer l’inexistence dans le film de l’Algérie «Mecque des révolutionnaires» que Che Guevara (le plus grand des moudjahidine) aimait visiter. Comment expliquer l’inexistence dans le film de l’Algérie «du cinéma révolutionnaire», initié et développé par Vauthier, Chandarli, Hamina, Rachdi et El-Askri, une Algérie qu’a tant aimée Gillo Pontecorvo durant le tournage de son film La bataille d’Alger. Comment expliquer l’inexistence dans le film de l’Algérie modèle de réussite économique parmi les pays du tiers-monde, ainsi que celle des différentes nationalisations réussies. Comment expliquer l’absence du vrai révolutionnaire qui a encore défendu sa terre durant la guerre des sables et celle du vrai révolutionnaire qui a encore mené une guerre contre l’impérialisme et le colonialisme israélien au Sinaï, durant la guerre de 1973. Comment expliquer l’absence du vrai révolutionnaire qui a bien servi son pays dans l’Etat algérien indépendant, à l’image de Houari Boumediene, un président qui a terminé sa vie avec un unique compte bancaire de quelques milliers de dinars.
Le film nous suggère, au contraire, et de façon accentuée, une Algérie dépravée dès le début de son indépendance, minée par la corruption et le clientélisme. Pourtant, tous les spécialistes en histoire et en politique affirment que l’Algérie n’a connu ces vices que tardivement, dans les années 80. Au contraire, à l’époque de Boumediene, l’Algérie a connu une fulgurante ascension dans différents domaines, des domaines qui n’existaient même pas du temps de la colonisation (industrie lourde, études supérieures, santé, éducation et alphabétisation, etc.).
Avec son film El-Ouahrani, Lyes Salem ne cache même pas son mépris envers les siens et envers son pays d’origine ; on ne voit, durant 128 minutes de film, que calomnies, dénigrement de la langue arabe et rejet de l’identité arabe. On trouve même dans ce film un net rejet de la nécessité de la révolution, par des phrases comme «tu as fait la révolution pour ne pas avoir de l’eau dans le robinet», pourtant, c’est cette révolution qui a donné à ce réalisateur, et à ses parents avant lui, leur droit le plus élémentaire, à savoir «être libre et vivre dans l’indépendance». Avec tout ce que j’ai cité précédemment, il reste le plus grave : ce film nous suggère «la reconnaissance de la semence française dans nos gènes, comme héritage», comme l’a textuellement réclamé un jeune dans le public (durant le débat qui a suivi la projection d’El-Ouahrani à Sidi Bel-Abbès) ! L’heure est vraiment grave, maintenant, on ne parle plus d’œuvre littéraire ou artistique incluant des sous-messages à l’adresse de l’Algérie, des sous-messages qui façonneront la vision et l’opinion publique algérienne après plusieurs années ; non, dorénavant, on peut constater une campagne claire et assumée par les adversaires de notre nation, usant de plumes et d’œuvres artistiques, un nombre inquiétant d’artistes et d’intellectuels égarés, à la recherche de visibilité et de réussite, dans l’aliénation intellectuelle et aux dépens de l’intégrité et de l’honneur.
Chahrayar Boulberdaa
 

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