Révélations sur les écoutes : la DGSE espionne l’Algérie avec l’aide d’Orange et d’Alcatel-Lucent
Le magazine français Le Nouvel Observateura révélé, dans son édition parue aujourd’hui, les écoutes téléphoniques opérées par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le monde. L’Algérie figure parmi les pays espionnés par les services secrets français. Les écoutes se font grâce à des stations clandestines installées dans plusieurs endroits en France. Pour ce faire, la DGSE n’a pas fait dans la demi-mesure. Elle a déployé les moyens pour se connecter directement au réseau de fibre optique qui traverse la Méditerranée. «Une première station clandestine d’interception est mise en service à Marseille le 1er novembre 2008. Le câble visé ? Le SEA-ME-WE 4. Posé par Alcatel trois ans auparavant, il relie la cité phocéenne à Singapour en passant par Annaba, Le Caire et Djeddah», précise le journal. «Quand on a ouvert le robinet, ce fut un choc !» lance, époustouflé, un ancien haut responsable. «Toutes ces infos, c’était incroyable !» s’est-il exclamé. La DGSE a également posé des bretelles en France sur au moins cinq autres câbles majeurs. Notamment à Saint-Valéry-en-Caux sur le TAT 14 qui relie la Normandie au New Jersey, a indiqué le même média. «Pour analyser ces interceptions, la DGSE installe, de 2008 à 2010, des supercalculateurs Bull et Hewlett-Packard, dans des caissons réfrigérés, à 40 mètres sous terre, boulevard Mortier», a-t-il ajouté. Pour scruter toutes les communications, emails, fax, et même les discussions par Skype, la DGSE s’est dotée d’une mégastation, le deuxième centre informatique en Europe. Le premier centre du même genre appartient aux services secrets britanniques. C’est dans ce centre, installé dans le sous-sol de la DGSE au boulevard Mortier, que se fait le tri. Des ordinateurs géants trient tous les jours des dizaines de millions d’emails, de SMS, d’échanges par Skype, WhatsApp, Facebook… Ils isolent automatiquement, par numéro de téléphone ou adresse IP, les échanges des individus visés. Un logiciel reconnaît les voix, un autre traduit», écrit Le Nouvel Observateur. Orange et Alcatel-Lucent sont dans le coup. «Les services du Premier ministre ont adressé une réquisition à Orange qui gère la vingtaine de points d’arrivée des câbles de fibre optique en France. Chez l’opérateur, seules sont informées une dizaine de personnes habilitées (la plupart issues de la DGSE). Cet accès aux réseaux (…) se fait sous la responsabilité des pouvoirs publics dans un cadre légal», disait récemment Stéphane Richard, le PDG d’Orange, au Monde, précise le magazine qui jette ainsi un pavé dans la marre pestilentielle de la DGSE. Le Nouvel Observateurexplique que les bretelles sont ensuite tirées vers des locaux clandestins, situés un peu plus loin, dans les terres. La DGSE utilise des équipements spécialement construits par Alcatel qui isolent les communications qui proviennent des pays autorisés par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). Le magazine affirme avoir sollicité Alcatel-Lucent, lequel groupe a refusé de commenter ces informations. Les techniciens de la DGSE qui s’introduisent dans la station d’arrivée et dédoublent les fibres optiques ont été formés chez Alcatel-Lucent, groupe français, leader mondial de la pose des câbles sous-marins. C’est ce groupe qui a déployé le réseau de fibre optique internationale reliant l’Algérie à l’Europe. En avril dernier, le ministère algérien de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (MPTIC) a conclu avec Alcatel-Lucent un accord clefs en main pour le déploiement du système Orval, un câble sous-marin en fibre optique qui s’étend sur plus de 560 km entre Oran, en Algérie, et Valence, en Espagne, selon un communiqué de la multinationale française. La grande capacité offerte par ce système facilitera la livraison de services haut débit pour un total estimé de 42 millions d'utilisateurs d'internet en Algérie et en Espagne. Ces utilisateurs seront assurément à la portée des stations d’écoutes de la DGSE qui emploie plus de 2 300 agents.
Hani Abdi