Dossier – Algérie Télécom : un mammouth nourri à la mamelle des opérateurs privés (IV)
Que dire de plus sur Algérie Télécom qui n’ait été dit ? Algeriepatriotique relevait, dans ces mêmes colonnes, les graves lacunes de cet opérateur historique budgétivore qui non seulement fait barrage à toute concurrence loyale, mais compromet jusqu’au développement du secteur des télécommunications dans notre pays. Malgré les moyens colossaux dont il dispose et les prix dépassant tout entendement qu’il pratique, cet opérateur «entretenu» par le ministère de la Poste et des TIC et «couvert» par l’Autorité de régulation forme avec ces deux instances un triptyque nuisible pour l’avenir des technologies de l’information et de la communication en Algérie. Cet opérateur, qui a fait de la modernisation de son réseau de distribution son leitmotiv depuis 2009, n’a pas bougé d’un iota, six ans plus tard. Ce constat fait par des experts algériens sollicités par notre site devait attirer l’attention des pouvoirs publics sur le réseau de distribution d’Algérie Télécom, qui procède à une pose de fibre optique ne correspondant à aucune norme de réalisation, d’où les nombreux dérangements et les mauvaises connexions dont se plaignent les usagers. Les experts que nous avons consultés et qui ne connaissent que trop bien cet opérateur ont parlé d’un problème «de conscience professionnelle» et d’une «absence de contrôle», conseillant vivement aux autorités d’accorder une «priorité absolue», lors des futurs investissements, au réseau de distribution pour le rendre efficace et améliorer la qualité des services offerts. Ces experts appellent, ainsi, les pouvoirs publics à ne pas jeter l’argent du contribuable par les fenêtres, comme c’est le cas actuellement. Algérie Télécom est dans l’obligation de rattraper un grand retard, et doit créer de nouveaux réseaux de distribution et établir un plan national de développement en fibre optique pour une meilleure desserte des wilayas et éviter, ainsi, les erreurs commises par le passé et qui ont conduit à une sous-optimisation et une sous-valorisation des investissements consentis par l’Etat que cet opérateur, dont la première tare est son sureffectif abasourdissant – 27 000 employés au lieu des 11 000 nécessaires –, n’arrive pas à valoriser, offrant une piètre qualité de service. «Cette situation résulte essentiellement de la mauvaise gestion des ressources par les managers d’Algérie Télécom», signalaient des sources très au fait du domaine des TIC, qui ont révélé la contradiction flagrante entre les équipements d’accès et de transmission de dernière génération acquis par Algérie Télécom et son incapacité à «offrir le débit voulu avec la qualité voulue». Non content de profiter de la manne financière et des moyens techniques mis à sa disposition par l’Etat – les câbles coaxiaux et les câbles à fibre optique, notamment –, Algérie Télécom fait payer aux autres opérateurs une facture salée, presque dix fois plus chère que n’importe quel opérateur étranger, prenant ainsi les opérateurs privés à la gorge, incapables de recourir à d’autres fournisseurs et abandonnés à leur sort par un ministère de tutelle et une autorité de régulation peu regardants sur les principes inhérents à la gestion de ce secteur névralgique. Les pouvoirs publics accordent une importance particulière au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, car elles constituent la locomotive du développement économique dans son ensemble. Mais la situation désastreuse de ce secteur, au regard des quelques cas réels que nous avons relatés dans ce dossier, n’est pas appelée à s’améliorer. Du moins, tant que ses principaux acteurs, le ministère, l'ARPT et Algérie Télécom, qui en sont la pierre angulaire, continueront à se détourner de la Déclaration de politique sectorielle relative aux télécommunications (voir dans Documents).
Lina S.
Prochain dossier : Les affaires de corruption dans le secteur des télécommunications