Un économiste démontre comment l’Arabie Saoudite s’est fait hara-kiri en cassant les prix du pétrole

«L'Arabie Saoudite a cru pouvoir casser les reins des producteurs de pétrole de schiste en inondant le marché pétrolier. La preuve d'une méconnaissance des nouvelles techniques. Et un pari perdu, que le pays va payer cher.» La sentence est de Michel Santi, économiste français. Il démontre ce mauvais calcul des Saoudiens dans un article publié dans La Tribune (25 août 2015), un hub media qui se présente comme «le réseau social de l’économie réelle». Il commence par le constat – aisé à faire, selon lui – que «la tactique saoudienne consistant à inonder le marché du pétrole s'est retournée contre elle». La baisse des prix du pétrole est lourde de menaces pour l'économie saoudienne, extrêmement dépendante des recettes de vente de l’or noir. L’économiste français rappelle qu’en décidant, en novembre 2014, de faire baisser les prix, les Saoudiens ont parié sur l’étouffement des producteurs américains de pétrole de schiste et ils comptaient récupérer la mise avec la remontée des prix, inéluctable à mesure de la disparition des producteurs américains. Pour Michel Santi, l’Arabie Saoudite a tout simplement ignoré que «les marchés pétroliers ont (en effet) fondamentalement changé depuis l'époque où les investissements n'étaient rentables qu'après une décennie». Les Saoudiens en sont restés à l’époque où il fallait «consacrer des sommes très substantielles pour exploiter des puits qui ne produiraient que de longues années plus tard». L’économiste français estime que «cette posture consistant à faire baisser des prix afin de nuire à ses compétiteurs avant de les remonter pour mieux profiter de son monopole est désormais caduque». Il fait remarquer que «loin des modèles de production traditionnels, le fracking autorise aujourd'hui d'exploiter un puits avec aussi peu qu’un million de dollars tout en assurant des revenus immédiats». Il souligne le fait que «l'évolution fulgurante de la technique du fracking révolutionne le monde du pétrole jusque-là chasse gardée et apanage de certains Etats, car exigeant naguère des investissements préalables massifs». Non seulement les exploitants du pétrole de schiste ne souffrent pas de la tactique saoudienne de baisse des prix du pétrole, mais, pour Michel Santi, ils seraient «bénéficiaires même en cas de remontée des prix : hypothèse qui autoriserait du coup l'ouverture de zones d'exploitation encore plus nombreuses… agissant à leur tour en comprimant les prix du fait de l'augmentation de l'offre». Sa conclusion est sans appel : «L'Arabie Saoudite n'est (donc) plus aujourd'hui le producteur de référence, comme elle est désormais tout bonnement incapable d'influer sur les tarifs pétroliers.» Et il lance un «avis de grosse tempête de sable à venir pour le royaume wahhabite». Il prévoit que « l'Arabie Saoudite aura de gros ennuis dans environ deux ans et sera confrontée à une crise existentielle dans cinq !» Elle a «impérieusement besoin d'un pétrole à 106 dollars (le baril) afin d'équilibrer son budget, elle n'est pas près de revoir de tels prix en présence d'une industrie du fracking tout aussi dynamique qu'innovante et ayant allègrement su éviter son comportement de prédateur». Michel Santi n’est pas le seul à envisager cette perspective très pessimiste pour l’Arabie Saoudite. De nombreux experts n’hésitent pas à prédire une faillite et une catastrophe économique dans les dix ans à venir pour ce pays, entraînant son déclin irréversible. Michel Santi est spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance. Il est l'auteur de plusieurs livres : «Splendeurs et misères du libéralisme», «Capitalism without conscience», «L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique» et «Misère et opulence».
Houari Achouri
 

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