Attendu sur les questions brûlantes de l’actualité : Abdelaziz Bouteflika ignore la classe politique
La réunion convoquée hier par le chef de l’Etat, pour «examiner» l’avant-projet de la révision de la Constitution, n’a rien de vraiment exceptionnel, puisqu’aucune décision importante n’a été annoncée au terme de cette rencontre et que le mois de décembre a été fixé comme date butoir – comme prévu – pour entamer la dernière étape de la révision constitutionnelle. On se demande, d’ailleurs, ce qui a bien pu encore retarder l’annonce de l’échéance, dans la mesure où de nombreux acteurs politiques et médias avaient évoqué le mois de décembre courant pour le lancement de la révision de la Constitution. Et le Président lui-même avait, le 1er novembre dernier, parlé d’une «annonce imminente». Attendu sur les questions brûlantes qui occupent l’opinion publique depuis quelques semaines – adoption d’une loi de finances controversée, campagne d’intimidation orchestrée par des éléments du pouvoir contre l’ex-patron du DRS, demande d’audience formulée par un groupe de citoyens –, le président Bouteflika s’est, une nouvelle fois, montré imperturbable sur la conduite qu’il veut imprimer aux affaires de l’Etat. C’est pourquoi les Algériens ont davantage commenté l’apparition du chef de l’Etat dans cet instant empreint de solennité, que l’objet de la rencontre elle-même qui, en soi, ne méritait guère toute cette mystification et ces conseils d’Etat à répétition. Ce qui attire l’attention, en revanche, c’est cette irruption au cœur d’un tourbillon politique qui commence à prendre des proportions gravissimes, avec l’escalade verbale relayée désormais par des responsables de diverses instituions – le dernier étant le vice-président de l’APN, l’homme d’affaires Baha Eddine Tliba qui, dans une interview à une chaîne de télévision parapublique, organe officieux de la Présidence, a fait montre d’un zèle inquiétant. Cela dit, à travers cette réunion avec de hauts responsables de l’Etat, Bouteflika renoue avec une vieille méthode, qui est de rebondir toujours au milieu d'une polémique, mais ne réagit jamais à celle-ci, faisant comme si de rien n'était. Comme le montrent ses apparitions télévisuelles éphémères suite à chaque rumeur de décès ou d'aggravation de son état de santé, et ses réunions avec un ou plusieurs responsables politiques sans aucun commentaire sur l'actualité nationale ou internationale pour, par exemple, informer ou rassurer l'opinion publique, etc. Tout indique que ce qui importe le plus pour le chef de l’Etat, à travers cette sortie qui n’était pas annoncée et dont on ignore si elle était programmée à cette date, c’est de renvoyer cette image de président plutôt soucieux de l’avenir du pays et de ses institutions, s’élevant au-dessus des «querelles politiciennes» dans lesquelles il se réserve le droit exclusif d’imposer son arbitrage à tout moment. Le fera-t-il ?
R. Mahmoudi