Le terrorisme de la France à travers ses services secrets

Par Abdelkader Benbrik – La France traîne toujours sa maladie du colonialisme et des complots contre les pays et les dirigeants qui ne font pas allégeance à l’Elysée. Ses services secrets ont de tout temps manigancé des complots et des attentats. Cela n’est plus un secret pour le monde vigilant. Dans notre récit, il s’agit moins de relater des faits nouveaux que d’une lecture qui fait le lien entre des événements souvent connus, spectaculaires ou non, qui paraissent plutôt disparates et conjoncturels, mais derrière lesquels se profilent toujours des motivations de géostratégie politique et de raison d’Etat. Notre article sur le monde secret du renseignement, de l’action subversive et du contre-espionnage a surtout un but didactique. La situation chaotique de la Somalie remonte à la fin des années quatre-vingt, avec le groupe français de Bob Denard qui a assassiné le président légitime Abdallah. Cet attentat terroriste contre un pays souverain et indépendant est passé presque inaperçu. Le terroriste français Bob Denard s’est réfugié en Afrique du Sud, mais l’affaire ayant pris de l’ampleur, il a été arrêté et la France avait demandé son extradition et son incarcération. Quelques jours après cet épisode et au journal de 20h, Bob Denard est apparu sur le plateau de TF1 pour apprendre aux téléspectateurs français que le juge français l’avait libéré aussitôt parce qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres. «Je ne me suis jamais considéré comme un soldat perdu, je n’ai jamais cessé de rendre compte à mes supérieurs de mes activités et tout ce que j’ai fait a été conforme aux intérêts de mon pays, la France, que j’ai servi du mieux que je pouvais», a affirmé sereinement le terroriste Bob Denard. Ce faisant, ce bien triste personnage a confirmé devant l’opinion publique française et devant les téléspectateurs maghrébins qui captent à cette époque TF1 que de nombreux coups d’Etat, et les attentats et tueries qui les ont accompagnés, ont été perpétrés en Afrique sur instruction des autorités françaises et que des officiers des services français y ont pris part. Les responsables de TF1 ont réalisé là un «scoop» au journal de 20h, le plus regardé en France. Sur le plan de l’information, ce fut bien entendu une bonne affaire qui a dû conforter l’audience de cette chaîne. Mais sur le plan politique, l’événement a dû provoquer une tempête à l’Elysée et au Premier ministère, imaginez l’impact des aveux du terroriste Bob Denard au niveau des ambassades africaines à Paris, et des grandes puissances qui ont été évincées par ces coups d’Etat. Imaginez ce que peut en penser la grande masse naïve des citoyens africains et maghrébins. En serait-il autrement en France qui se dit pays de la démocratie ? Le ministre français Charles Pasqua disait pendant l’affaire Tanase, en 1982 : «La démocratie s’arrête là où l’intérêt de l’Etat commence…» Voilà un homme politique responsable, c’est-à-dire qui fait prévaloir l’intérêt de son pays sur tout le reste. Mais, au fait, qu’était-ce cette affaire Tanase ? L’écrivain roumain Virgil Tanase, 36 ans, naturalisé français en 1976, disparut du jour au lendemain. La presse, informée aussitôt, s’empara du sujet. Personne ne prit à la légère le terrible réquisitoire écrit contre Ceausescu par cet écrivain dans la revue mensuelle française Actuel, juste avant son enlèvement. C’est donc tout naturellement que l’opinion publique en France incrimina la sécurité militaire roumaine. Contrairement à Mecili André Ali, l’avocat français d’origine algérienne qui fut tué sur le coup. Virgil Tanase pouvait, peut-être, réapparaître un jour, ou payer «son incartade» par quelques années de bagne en Roumanie. Que diable pouvait penser la présidence française de cet enlèvement ? Tanase avait été fabriqué par les services spéciaux français en tant qu’écrivain d’abord, et opposant ensuite. N’était-ce pas là un grave affront à la France ? Le 9 juin 1982, au cours d’une conférence de presse, le président François Mitterrand répond à l’attente du public français et déclare : «S’il était démontré, hypothèse tragique, que M. Tanase a disparu pour ne pas réapparaître, cela entamerait sérieusement la nature des relations entre la Roumanie et la France !» La menace est claire (celle de Mitterrand), le ton est juste, mais il est pourtant celui d’un comédien hors pair, puisque Mitterrand sait depuis plus de quinze jours que l’écrivain Roumain est non seulement vivant, mais qu’il a été enlevé par ses propres services de contre-espionnage, la DST. Le 8 juillet 1982, deux mois après cette mise en scène, le juge d’instruction chargé de l’affaire, Jean-Louis Debré, indique officiellement que c’était bien la DST qui avait monté cette opération destinée à faire plier le régime roumain. Bien sûr, cet épilogue ne pouvait intéresser la presse française. Le rôle de celle-ci se limitait à faire taire du «tapage» pour désinformer l’opinion publique française, les Roumains et bien entendu les «forces démocratiques» qui préfèrent la vérité à la raison d’Etat. La comédie jouée à la télévision par le président français dérogeait-elle aux principes moraux dont se prévaut la France dans la conduite de ses relations internationales ? Voici quelques autres exemples qui peuvent aider le lecteur algérien à se faire une opinion : au début de 1991, un capitaine et un adjudant français perdirent la vie dans un banal accident d’avion. Mais celui-ci survint… au Soudan et l’avion était chargé d’armes destinées au maquis du rebelle tchadien Hissène Habré qui s’apprêtait à lancer une offensive contre le gouvernement légal du président légitime tchadien Goukouni Oueddei. Hissène Habré avait bien assassiné quelques années plus tôt un officier français, le commandant Galopin, mais la raison d’Etat recommandait «d’oublier» ce détail. Le problème est qu’au moment où survint cet événement, la France soutenait officiellement Goukouni Oueddei. Tout en aidant celui-ci à mener la guerre contre la Libye, la France armait ses opposants en leur livrant des armes via le Soudan, faisant fi de l’accord de défense qui liait la France au Tchad. Quelques mois plus tard, en novembre 1981, et grâce à l’aide de la France, Hissène Habré prenait le pouvoir à N’Djamena et aussitôt, les opposants de celui-ci entrèrent dans la grâce des services spéciaux français. Le lecteur algérien pourrait s’offusquer de cette curieuse politique africaine de la France : apportons-lui un éclairage supplémentaire en lui rappelant qu’en 1981, au moment de ces événements, la CIA déversait sur le même Hissène Habré des centaines de millions de dollars pour l’aider à faire la guerre à la Libye. Plus tard, las de voir Kadhafi survivre à toutes les opérations secrètes, les Etats-Unis entreront en scène officiellement avec leurs porte-avions et leurs missiles. Des années plus tard, en 2011, c’est la France et ses terroristes qui bombardaient la Libye et assassinaient Kadhafi. Une autre affaire «peut édifier» le lecteur. En février 1983, le lieutenant-colonel français Nut Bernard, des services secrets, fut découvert mort, une balle dans la tête, près de Nice. Le juge d’instruction commis pour l’enquête fut rabroué par cet argument massue «secret défense». Juste après le meurtre en France de Henri Curiel, un militant révolutionnaire juif qui avait aidé le FLN pendant la guerre d’Algérie pour le transfert des fonds entre la France et la Suisse. Les trois juges commis pour cette enquête mirent la main sur un rapport explosif. Celui-ci relayait les discussions téléphoniques de plusieurs ministres français, en poste au moment de l’assassinat de Curiel. Une autre affaire plus explicite encore, celle qui survint en Espagne en mai 1986, lorsque le journal Cambir 16 apprit à ses lecteurs que les services français utilisaient depuis plusieurs mois une organisation terroriste moyen-orientale baptisée «l’Appel de Jésus», le groupe terroriste s’apprêtait à commettre un attentat contre les locaux madrilènes d’Air France. L’enquête qui mit dans l’embarras les capitales espagnole et française allait révéler qu’il s’agissait en fait d’un montage de la DST (France) destiné à provoquer l’expulsion de France de diplomates libyens. Les trois terroristes arrêtés par les Espagnols étaient en fait de vulgaires malfrats payés à la commande par les services français. Il en est beaucoup de ce genre qui furent broyés pour de fumeuses opérations destinées à déstabiliser des gouvernements «amis».
La guerre d’Algérie continue
En 1986, le président français Mitterrand ordonna d’entraîner en France une unité spécialisée dans les armes modernes, en particulier les lance-roquettes et d’envoyer ces « combattants de la liberté» se battre en Afghanistan. La France puisait alors dans les stocks égyptiens pour fournir aux «moudjahidin» afghans des armes. Le 7 juillet 1988, le KGB fait état que des conseillers militaires français de la résistance avaient été tués lors d’un accrochage avec des «moudjahidin». Bien sûr, le ministère des Affaires étrangères proteste contre cette accusation. Le même président français fit cette curieuse confidence à l’un de ses invités. Cela s’est passé en fin décembre 1988 à l’Elysée, au cours d’un diner offert dans le cadre des traditionnelles réceptions de Noël. On était aux desserts lorsque le maître de l’Elysée, qui avait l’esprit accroché au problème d’indemnisation des pieds-noirs, se pencha vers son invité de gauche et lui chuchota à l’oreille : «Vous verrez mon ami, je vous rendrai l’Algérie sans débourser un sou.» L’homme auquel venait de s’adresser le président français fut stupéfait d’entendre cette promesse, car il n’était pas un pied-noir, il n’avait pas fait la guerre d’Algérie et ne s’était jamais mêlé ni de près ni de loin aux affaires algériennes. Cette «confidence» se fit trois mois après les violentes émeutes qui ont ébranlé l’Algérie en octobre 88. L’un des spectateurs de ces émeutes, placé aux secondes loges, allait être abattu au début de cette année 1993, en France, Jacques Rouseau, rentrant d’Alger, fer de lance des jeunes pieds-noirs pendant les dernières années de la guerre d’Algérie, fut abattu à bout portant par un autre pied-noir, un ancien activiste de l’OAS qui appartient à l’association Pieds-noirs repliés, laquelle a organisé de 1986 à 1990 plusieurs séjours en Algérie pour quelques centaines de pieds-noirs. Dans un communiqué de presse de juin 1992, cette association écrivit : «Les 350 pieds-noirs venus à Oran témoignent que l’accueil qui nous fut réservé à travers la ville était chaleureux, fraternel même du côté officiel – mairie, préfecture, presse, responsables privés et population dans son ensemble, avec un gala sportif et folklorique. Les 30 à 40 enfants de chouhada qui auraient protesté contre notre visite n’étaient que des désœuvrés payés par le FLN, un FLN en pleine implosion qui n’hésite pas à employer tous les moyens pour garder le pouvoir ou redorer son blason en tentant de réveiller les souvenirs les plus douloureux relatifs à la guerre d’Algérie.» La dernière réaction des enfants de chouhada à Mascara où se déroulait d’ailleurs le colloque sur l’Emir Abdelkader a démontré clairement que la France officielle n’est pas prête à reconnaître ses torts, dans l’occupation des pays du Maghreb. Au lieu d’exprimer le pardon au peuple algérien pour une occupation coiffée de génocides et massacres durant 132 années, elle a inauguré la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc. Cette sinistre fondation a été promise par Jacques Chirac, alors président de la République, aux associations de harkis et des pieds-noirs. Un ancien ministre du GPRA dira que l’inauguration de cette sinistre fondation française est la preuve concrète que la guerre d’Algérie continue, soutenue malheureusement par les enfants des familles très dévouées au colonialisme français et d’anciens nostalgiques de l’Algérie française.
La mémoire dans la peau
Pour le gouvernement français actuel, la guerre d’Algérie est loin d’être achevée. Elle se poursuit dans l’Hexagone et la propagande sur le seuil de tolérance ne sert qu’à cristalliser une vieille haine dont la communauté musulmane fait aujourd’hui les frais. Tout se passe aujourd’hui en France comme si la peur de l’islam était le meilleur moyen d’acculer les âmes simples au soutien des thèses anti-immigrés qui, elles-mêmes, se nourrissent d’un violent réquisitoire anti-algérien. A cela s’ajoute évidemment l’impact d’une justice à deux vitesses, sanctionnant durement le délit le plus minime lorsqu’il est le fait d’un Maghrébin et élargissant avec la plus suspecte des mansuétudes l’auteur d’un crime si sa victime est un musulman.
A. B.

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