Le bachagha Khelil, le caïd Temmar, le khodja Sidi-Saïd et les chaouchs

Par Cheikh Hamdane – Durant les années de «règne» de Chakib Khelil et d’Abdelhamid Temmar, si nous citons que ces deux ministres, les Algériens avaient la sensation de retourner à l’ère des bachaghas et des caïds. Les informations sur la corruption que tous les Algériens ont suivies ne laissent aucun doute que le bachagha Khelil était le seigneur du pétrole et du gaz algériens. Il était le maestro de l’orchestre et maintenant qu’il est libre de ses mouvements, il ne s’est même pas inquiété ou publié des mises au point, alors que les accusations sur sa personne pleuvent. Comme à l’époque du bachagha Boualem, l’autorité d’occupation le laissait faire, même quand il spoliait des terres des Algériens, les notaires lui dressaient de véritables de propriété visés par les tribunaux. La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune s’est attaquée vivement au bachagha Chakib Khelil qu’elle qualifie de «sujet» de l’étranger. La secrétaire générale du PT a mis dans le même bain, à l’occasion du discours qu’elle a prononcé en marge de l’ouverture des travaux du conseil national de son parti à Zéralda, Mourad Benachenou, qui avait eu pour sale mission la privatisation des entreprises publiques. Et d’ajouter : «Ce trio Khelil, Benachenou et Temmar a détruit le pays.» Et ce, sans que les intéressés réagissent. Le caïd Temmar, lui, s’est taillé en douce sitôt la mission accomplie, c'est-à-dire après qu’il ne restait plus rien à privatiser, sauf peut-être le peuple. Le caïd avait sillonné le pays d’est en ouest, du sud au nord. Sa mission était : privatiser, privatiser. Il a privatisé même l’«imprivatisable». Des complexes qui faisaient la fierté des travailleurs algériens, en bonne santé financière, ont été privatisés par le caïd. Comme à l’époque coloniale, quand le caïd du douar exigeait quelque chose, la population se soumettait. Le caïd Temmar a vendu nos usines et il est responsable d’une partie du fort taux de chômage en Algérie. Le caïd de l’époque coloniale activait uniquement au profit de l’autorité d’occupation. Le caïd Temmar a contenté une multitude de multinationales au détriment des travailleurs algériens. Le président de la République lui a confié des postes clés (commerce et promotion des investissements). Il alla d’échec en échec. Le ratage des privatisations (absence de bilan), la dissolution prématurée des entreprises dont certaines auraient pu être sauvées, confiées aux SGP dont certains responsables nommés à leur tête incarnent l’incompétence, sont des exemples édifiants. D’ailleurs, ces organismes sont devenus de coquilles vides et juridiquement illégaux. Abdelhamid Temmar a explosé les compteurs en affirmant sans sourciller que «la corruption est inévitable». Parmi ses déclarations : «Nous sommes le seul pays au monde à reconnaître avoir des problèmes de corruption. Les Marocains ont d’énormes problèmes et ne les reconnaissent pas. Les Tunisiens, les Egyptiens et les Américains encore moins.» Sur le même ton, le caïd Temmar évoque le scandale Sonatrach : «Le problème de la Sonatrach est très particulier. Les procédures de cette société ne sont pas comme les nôtres. Il s’agit d’un secteur pétrolier qui obéit à des normes internationales et les applique.» En fait, Sidi el-caïd Temmar vient, de manière très claire, légitimer les détournements de fonds opérés au sein de la Sonatrach en les mettant sur le compte… du système pétrolier mondial. Une déduction de caïd. Bien entendu, derrière les bachaghas, les caïds, il y a aussi les khodjas et les chaouchs. On a constaté la complicité des khodjas, comme dans le passé, et cette fois-ci, le khodja est Sidi-Saïd. L’UGTA, cette institution qui devrait plaider la cause des travailleurs, est allée jusqu’à plaider la cause du caïd Temmar et fortifier le camp de la privatisation. C’était le rôle des khodjas de l’époque coloniale, ils comprennent votre situation, mais donnent gain de cause aux colons, même s’ils avaient tort. Ils assistaient tous les membres de l’autorité d’occupation. Alors, finalement le bachagha, le caïd, les khodjas, les chaouchs et tous ceux qui suivent dans la nomenclature ont tout bradé en dix années, même les terres agricoles. Les travailleurs, qui avaient cru à tous les discours durant les années soixante-dix, vivent aujourd’hui dans la précarité, ayant perdu leurs outils de travail au profit des groupes étrangers (rapaces). Cette majorité spectatrice devrait aujourd’hui se mobiliser et manifester son soutien total à la lutte sans merci contre la corruption. Et dévoiler la réalité de beaucoup de partis et de députés et de sénateurs dont la majorité attend qu’ils se manifestent contre ce fléau. La corruption, la fraude, le blanchiment d’argent, le pognon du terrorisme et les détournements. Ce sont là les facteurs principaux qui ont appauvri la majorité des citoyens. Etant donné que depuis quelque temps, nous entendons parler de plusieurs familles en Algérie, à commencer par «la famille des qmakem», «la famille des harkis», «la famille des généraux», «la famille des terroristes» et enfin «la famille révolutionnaire», ajoutons «la famille misérable» et «la famille des bachaghas, caïds, khodjas, chaouchs…» De cette façon, on obtiendrait un bouquet varié. Et les misérables existeront dans la légalité, selon Victor Hugo. Cette majorité devenue misérable, la réalité sociale qui l’entoure lui donne raison de porter sa solidarité à cette lutte. Depuis les années quatre-vingt, et surtout durant la période de la décennie noire, l’ostentation devient la marque de la réussite sociale. Et il n’existe pas d’autre manière sociale d’exprimer la réussite en dehors de l’argent. En fait, l’argent que l’on gagne et l’aisance qu’il donne restent le critère de vérité sur l’échelle des valeurs sociales, sur les normes en œuvre dans la structuration de la société. La situation de renversement des valeurs, de désordre des hiérarchies et des normes s’appelle l’anomie. Nous sommes en situation d’anomie depuis le début des années quatre-vingt-dix, elle a atteint l’esprit même des gouvernants qui savent qu’un commerçant dans les matériaux de construction gagne plus d’argent qu’un président de la République ! Et qu’un «monopoliste» des fruits gagne plus d’argent qu’un magistrat qui a passé la moitié de vie dans les études, tout cela n’incite guère au respect des études et des personnes qui les ont faites. L’anomie n’est pas une situation statique, bien au contraire, plus elle s’installe, plus elle aggrave le désordre. Et sous la poussée des facteurs sociaux, plus les gouvernements prennent des mesures caritatives, plus ils aggravent la situation.
C. H.

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