Les Français se souviennent de Malik Oussekine : quand la brutalité et l’impunité se systématisent
Plus de trente ans après, les étudiants français qui manifestent contre la loi El-Khomri se remémorent l’histoire de Malik Oussekine, étudiant d’origine algérienne, battu à mort par la police française, pour dénoncer la violente répression des forces de police contre les manifestants. Une affiche commémorative est placardée dans les universités françaises pour rappeler que rien n’a changé fondamentalement et que le caractère répressif des autorités françaises n’est pas un phénomène marginal ni une vue de l’esprit, comme tentent de le faire croire les porte-voix de la bien-pensance du pouvoir et de la réaction intellectuelle. Bien plus grave, et pour toute réponse aux dénonciations grandissantes, les politiques français continuent à incriminer «une minorité d’irresponsables» qui s’attaqueraient aux forces de l’ordre. Plus pesant encore est le silence des ONG internationales, à l’exception peut-être d’Amnesty qui a dénoncé l'«usage excessif» de la répression contre le mouvement de contestation en France. Car si cela s’est passé en Algérie, par exemple, ou dans un autre pays du tiers-monde, toutes les capitales du monde auraient pointé du doigt un «régime dictatorial». Pourtant, les circonstances de la mort de l’étudiant algérien Malik Oussekine apportent la preuve formelle que l’impunité dont sont couverts les agents censés assurer l’ordre et la sécurité est à l’origine de tous les abus. Le jeune étudiant a été tabassé à mort par deux policiers de la Brigade anticriminalité (BAC) à la fin d’une manifestation étudiante contre un projet de réforme universitaire. Les deux policiers «se sont précipités sur le type réfugié aux fins (du hall de l’université) et l’ont frappé avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pied dans le ventre et dans le dos», raconte un témoin. Le jeune Malik a été tué sur le coup. Trois ans plus tard, les deux auteurs du matraquage ont comparu devant la cour d’assises de Paris pour «coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Ils sont condamnés le 28 mars 1990, respectivement, à 5 ans et 2 ans de prison avec sursis. Pis, l’administration n’a pris aucune mesure de sanction à leur encontre : l’un a vu sa retraite avancée, l’autre a été muté ! Si à l’époque, cette affaire était perçue et classée dans la catégorie des actes racistes, les manifestants actuels, témoins d’une brutalité policière indescriptible, s’aperçoivent jusqu’où peut aller la répression de leur mouvement.
R. Mahmoudi