Panama Papers : la mystérieuse Cadber Investments ou l’autre scandale de corruption qui touche l’Algérie
L’affaire de corruption qui a éclaboussé la firme canadienne d’ingénierie SNC-Lavalin refait surface à travers le scandale des «Panama Papers». Selon des documents révélés par Radio Canada, SNC-Lavalin réussissait à obtenir des marchés en or en Algérie sans prendre la peine de se déplacer. Comment ? Grâce à une mystérieuse société-écran, Cadber Investments, créée à travers le cabinet panaméen Mossack Fonseca (le cabinet d’avocats du Panama d’où émane la fuite des 11 millions de documents que l'on nomme Panama Papers), SNC-Lavalin démarche en Algérie, négocie des marchés et obtient des contrats juteux. «Les Panama Papers révèlent six contrats différents de 2000 à 2004. Cadber Investments devait intercéder en la faveur de SNC-Lavalin pour lui obtenir des contrats, dont celui de l’usine de traitement des eaux de Taksebt, un contrat de 750 millions de dollars pour construire et exploiter l’usine», écrit le média canadien. En 10 ans, 4 milliards de dollars de contrats ont été obtenus en Algérie. «Pour en obtenir quelques-uns, SNC-Lavalin a engagé une agence commerciale du nom de Cadber Investments, une agence dont personne ne semble connaître le véritable propriétaire. Au total, Cadber Investments aurait reçu 22 millions de dollars en honoraires ; une somme versée à la succursale de la Banque royale du Canada à Genève, en Suisse», précise encore Radio Canada qui reste étonnée par cette mystérieuse société-écran sans véritable propriétaire. Cadber Investments est enregistrée dans les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal parmi tant d’autres. Elle démarche en Algérie pour des contrats commerciaux sans en avoir une existence légale. Le plus surprenant dans cette affaire est que même les responsables au sein de SNC-Lavalin affirment n’avoir jamais eu connaissance de l’existence de cette agence qui a été pourtant derrière plusieurs contrats octroyée à cette société d’ingénierie. La vice-présidente principale aux Communications mondiales d'entreprise de SNC-Lavalin, Isabelle Perras, a affirmé à Radio Canada qu’il était impossible pour la firme, en 2016, de déterminer qui est Cadber. Elle explique que «la firme a transigé avec les gens autorisés à signer pour Cadber. Alors, c’est avec eux qu’on a transigés, avec lesquels on a signé des contrats», a-t-elle relevé. Pour le nouveau PDG de SNC-Lavalin, il n’était pas normal que les contrats soient signés avec des prête-noms. Mais cela a été bel et bien fait par SNC-Lavalin. «Une des directrices de Cadber Investments, qui a échangé des courriels avec SNC-Lavalin, est une employée de bureau de Mossack Fonseca, Yvette Rodgers. Elle habite à 30 kilomètres de Panama, en pleine campagne, dans un coin plus que modeste. On est loin du monde des affaires. Yvette Rodgers a prêté son nom comme directrice pour près de 20 000 sociétés extraterritoriales. Raymond Leroux, ancien vice-président de la division Afrique de SNC-Lavalin, ne sait pas non plus qui est Cadber Investments. Pourtant, il était responsable des contrats en Algérie», souligne Radio Canada qui précise qu’il affirme que ces années-là, il avait été écarté : «C’est moi chez SNC-Lavalin International qui était responsable du côté commercial de l’Algérie. Mais c’est une période un peu… que je ne maîtrisais pas la situation […] dans ce temps-là, ce n’était plus SNC-Lavalin qui callait les coups, mais la division construction avec Raymond Fortin et Sami Bebawi». Raymond Fortin s’est installé au Maroc et Sami Bebawi, un ex-vice-président à la division construction de SNC-Lavalin, fait face actuellement à la justice canadienne pour fraude. Il est à rappeler que la justice canadienne a ouvert une enquête sur les soupçons de corruption de SNC-Lavalin pour l’obtention de marchés en Afrique dont l’Algérie. Le président du conseil d'administration de SNC-Lavalin, Ian Bourne, avait démissionné ainsi que le chef de la direction Pierre Duhaime. Le PDG de l’époque avait été lui aussi éjecté. Le nom de Farid Bejaoui a été cité comme intermédiaire à l’origine de la création de Cadber Investments.
Sonia Baker