Un ancien militaire récuse : «Le droit de réserve imposé aux retraités de l’ANP doit être rejeté»
Un ancien militaire relève la contradiction entre le projet de loi sur le droit de réserve et une pratique propre à l’ANP. Explication.
Il est paradoxal de voir, en cette année 2016, paraître une loi voulant corseter la parole des militaires au moment où il est notoire que depuis la quatrième mandature, on veille recourir au devoir de réserve pour réduire au silence une composante de l’élite nationale. Ne l’a-t-on pas ciblée pour le simple but de la réduire au silence parce que plus au fait qu’aucune autre des tiraillements et des intrigues et, surtout, des ambitions politiques des uns et des autres ? Or, qu’en est-il du devoir de réserve dans les autres armées ? Quel que soit le nom qu’on lui donne, le devoir de réserve, qui est une notion souvent évoquée, n’existe pas dans le droit administratif algérien. En attendant, il serait nécessaire et intéressant que chacun fasse son analyse et y apporte son commentaire ou ses idées. C’est seulement ainsi que les gendarmes et les militaires pourront avancer en matière de liberté d’expression.
A l’exemple de l’Etat français, c’est volontairement que le devoir de réserve n’a pas été intégré aux obligations des fonctionnaires. Le soin a été laissé à la jurisprudence de réguler certaines situations rares et très particulières. Un amendement tendant à inscrire l’obligation de réserve dans la loi a été rejeté par le Parlement français, le 3 mai 1983. Il fut alors précisé que celle-ci était «une construction jurisprudentielle extrêmement complexe» qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de réserve de divers critères, dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie, et qu’il revenait au juge d’apprécier au cas par cas. Au Journal Officiel, il a été conclu ainsi : «Il convient de rappeler, au plan des principes, que cette obligation de réserve ne saurait être conçue comme une interdiction pour tout fonctionnaire d’exercer des droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et, son corollaire nécessaire dans une démocratie, liberté d’expression». Ces droits sont, d’ailleurs, eux, expressément reconnus par la Constitution algérienne.
C’est à l’autorité hiérarchique dont dépend le fonctionnaire qu’il revient d’apprécier si un manquement à l’obligation de réserve a été commis et, le cas échéant, d’engager une procédure disciplinaire.
Alors que la France, qui est donnée ici en exemple, reste l’un des pays les plus en retard en matière de droits des militaires et où on continue d’y entretenir une culture du silence et du mépris du droit syndical, à l’inverse, la plupart de ses voisins ont sauté le pas et créé des syndicats pour leurs armées. C’est le cas en Allemagne, aux Pays Bas, en Belgique et même en Grande-Bretagne, pays très militarisé et engagé dans de nombreuses opérations à l’étranger.
Au pays des droits de l’Homme, les officiers observent avec envie leurs homologues outre-Atlantique. «Je suis épaté de voir la liberté de ton des jeunes officiers américains», s’exclame un officier. Là-bas, les politiques et les chefs militaires ont pris l’habitude de laisser libre cours à la pensée critique, même si elle entraîne parfois certains débordements.
Appliquer le devoir de réserve aux militaires de l’ANP digne héritière de l’ALN, dont l’essence même est populaire, est un non-sens. Ces militaires ont mis leur vie au service de leur pays. Ils l’on servi du mieux qu’ils ont pu et, souvent, en observant le silence le plus absolu. Et s’ils s’astreignent encore, c’est parce qu’ils ont hérité des traditions de l’ALN.
Un ancien militaire a expliqué à Algeriepatriotique au sujet de cette loi voulant régenter le droit de réserve dans l’armée, que «les concepteurs de ce projet ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et semblent ignorer que par tradition, les unités de combat de l’ANP, sur décision de Houari Boumediene, disposent de leur dotation en unités de feux en tout temps et en tout lieu, et ce, depuis l’indépendance à ce jour». Cet ancien militaire rappelle que «le soldat algérien, lorsqu’il est appelé à récupérer son arme au magasin, reçoit automatiquement ses deux cents cartouches. Les escadrons d’avions en déplacement sont équipés de leurs missiles et obus de canon. Idem pour les unités navales. Quant à celles de l’armée de terre, elles disposent, elles, de leurs unités de feu échelonnées du bataillon jusqu’à la division». Notre source souligne que «l’ANP, qui se ressource continuellement des principes de Novembre, est une des rares armées au monde, sinon la seule, à disposer de ce système de soutien logistique». «De qui, de la parole ou de ces munitions sont les plus tranchantes ?», s’est interrogé cet ancien officier supérieur. «Dans les autres pays, explique-t-il, les soldats ne voient les munitions de guerre que pendant les séances de tir ou d’exercice particuliers, une fois par an ou pendant toute la durée de service. Après de telles séances, les soldats sont tenus de justifier ces cartouches de guerre par la réversion de leurs étuis». Pour notre source, la particularité algérienne dénote «la confiance mise dans notre armée pour la défense et la sécurité de l’Etat, de la République, de ses dirigeants et du pays tout entier». Elle estime qu’une telle loi, si elle venait à être adoptée, «jetterait non seulement l’opprobre sur des hommes qui n’ont fait que servir la nation, mais aussi un immense doute sur leur loyauté». Cet ancien militaire appelle les députés, les sénateurs et les membres du Conseil constitutionnel à «rejeter purement et simplement cette loi».
M. Aït Amara
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