Les Britanniques réclament un «procès de Nuremberg» pour juger Tony Blair
De Londres, Boudjemaa Selimia – Très attendu, le rapport John Chilcot sur l’invasion de l’Irak par les troupes britanniques a finalement été rendu public aujourd’hui mercredi. Le verdict est sans appel. John Chilcot, président de la commission sur l’engagement en 2003 du Royaume-Uni en Irak, a dressé un bilan accablant sur l’ancien Premier ministre, Tony Blair. Le passage fort de ce rapport long de 2,6 millions de mots indique clairement que Tony Blair avait promis à George W. Bush de le suivre dans le dossier irakien «quoi qu’il arrive», en présentant des dossiers tronqués et somme toute falsifiés pour convaincre les Britanniques de la justesse de sa décision. En présentant les conclusions du rapport qui n’a pas pour objet de dire si l’intervention en Irak a été légale ou non, John Chilcot a clairement souligné que le Royaume-Uni avait décidé de se joindre à l’invasion de l’Irak avant que toutes les alternatives pacifiques pour obtenir le désarmement de ce pays ne soient épuisées. Tout en précisant que l’invasion n’était pas inévitable à l’époque.
Le rapport, qui a établi sans détour que l’ex-président irakien Saddam Hussein – qualifié de «dictateur brutal» – ne représentait pas de menace imminente sur la sécurité du Royaume-Uni ou sur le plan international, dénonce, par ailleurs, le fait que Londres se soit appuyé sur des informations des services secrets qui n’avaient pas été suffisamment vérifiées. Malgré donc tous les avertissements, les conséquences de l’invasion ont été sous-estimées. «La planification et les préparatifs pour l’Irak post-Saddam étaient complètement inadéquats», a conclu, en substance, John Chilcot. Au sujet des prétendues armes de destruction massive irakiennes, le rapport note que les renseignements qui avaient été donnés à ce sujet à Downing Street étaient «entièrement déficients».
Tony Blair a réagi peu de temps après la publication du rapport et dit avoir agi «de bonne foi» et «dans l’intérêt du pays». Dans une conférence de presse diffusée en direct sur toutes les chaînes d’information en continu, l’ex-Premier ministre britannique s’est défendu en affirmant qu’il «pense toujours qu’il valait mieux se débarrasser de Saddam Hussein» et que sa chute «n’est pas la cause du terrorisme que connaît le Moyen-Orient et d’autres régions du monde». L’ancien Premier ministre travailliste affirme, toutefois, qu’il assumera «l’entière responsabilité pour toute erreur, sans exception et sans se chercher des excuses», tout en soulignant qu’il «ne regrette pas» sa décision.
Le document ne dit rien sur la base légale de la décision d’intervenir en Irak ou la possibilité de voir Tony Blair traduit en justice. La question de l’éventuelle culpabilité pénale de Tony Blair n’est pas plus claire aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Le risque d’assister à des poursuites contre l’ex-Premier ministre britannique par une juridiction locale ou internationale, pour «crimes de guerre», est complètement écarté malgré les conséquences d’une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts. Les pacifistes britanniques se sont exprimés ce matin devant le centre des conférences Queen-Elizabeth à Londres, devant le bâtiment où le rapport Chilcot a été présenté. «Blair a menti, des milliers de personnes sont mortes», ont scandé les manifestants, dont certains avaient enfilé un masque à l’effigie de l’ancien Premier ministre et s’étaient peint les mains en rouge. Certains manifestants, dont des représentants du mouvement anti-guerre «Stop the War Coalition», ont même appelé à la tenue d’un «procès de Nuremberg» pour juger les responsables politiques britanniques qui avaient pris la décision, en 2003, d’impliquer les forces britanniques dans l’invasion de l’Irak.
B. S.
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