L’ex-ministre tunisien des AE : «La Ligue arabe est défaillante»
L’ancien ministre des Affaires étrangères de la Tunisie Rafik Abdessalem suggère que l’Algérie, qui a un poids politique et économique considérable, soit dans une position plus avancée dans la Ligue arabe. A l’occasion du sommet qui se tient à Nouakchott, en Mauritanie, il a dressé, dans un entretien accordé au quotidien arabophone Echorouk, un tableau sans complaisance de l’état actuel de la Ligue arabe qu’il trouve «accablée par la bureaucratie et aux prises avec des traditions et un protocole qui la handicape». Selon son analyse, les dysfonctionnements dans cette institution remontent au contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale. De ce fait, des pays comme l’Algérie n’ont pas la place qui correspond à leur influence et à leur poids. Il y a des pays arabes qui pensent, fait-il remarquer, que la Ligue arabe est une section dans leur ministère des Affaires étrangères, et ils l’utilisent pour leurs intérêts nationaux et privés.
Il descend en flammes le nouveau secrétaire général, Ahmed Aboul Gheit, qu’il décrit comme inapte pour ce poste. «Il est inefficace, même quand il a été ministre des Affaires étrangères, dans la dernière période de Moubarak, et le message politique contenu par sa nomination est négatif, il ramène l’Egypte en arrière», explique-t-il. Rafik Abdessalem critique vertement cette nomination imposée à tous les Arabes. A son avis, il faut, à ce poste, «une personnalité acceptable par l’opinion publique arabe, une personnalité qui a une vision stratégique, convaincue de l’action arabe commune, convaincue de l’unité des rangs arabes et de la nécessité de résoudre la crise interne dans un esprit d’ouverture et le consensus arabe, loin de toute ingérence étrangère, loin des agendas sionistes». Ce qui ne correspond pas du tout à Aboul Gheit, qui est, dit-il, «lié à des agendas étrangers sans rapport avec les intérêts arabes». A propos de la situation en Syrie et en Libye et du dossier du Sahara Occidental, il considère comme anormal le fait que la majorité des crises et des problèmes du monde arabe soient traités et réglés dans d’autres institutions internationales autres que la Ligue arabe ou dans le cadre de blocs éloignés de son espace.
Il déplore l’absence de vision stratégique chez beaucoup de dirigeants arabes, d’où la sous-estimation des questions de la souveraineté nationale et de la nécessité d’avoir une vision commune. Résultat : certains pays arabes négligent le danger sioniste et se préoccupent plus des menaces intérieures en pensant d’abord à leur sécurité nationale. Il appelle à remettre les choses dans leur ordre normal et placer à nouveau la question palestinienne en haut des priorités. Pour lui, la Ligue arabe est défaillante à cause des divisions dans le monde arabe et à la politique des axes en son sein, elle ne joue pas son rôle pour faire face aux risques et défis liés à la menace d’une intervention étrangère sur fond de divisions et conflits, ni dans le développement et l’emploi des jeunes ainsi que le renforcement des capacités économiques des pays arabes. Mais Rafik Abdessalem reste convaincu qu’il n’y a pas d’avenir pour les Arabes sans intégration politique et sans la coopération, la solidarité et l’intégration économique. Aussi, appelle-t-il à de véritables réformes structurelles afin que les institutions de la Ligue arabe puissent fonctionner dans ce sens et qu’elles répondent efficacement aux multiples défis que pose le contexte international actuel et aux attentes des peuples arabes.
Houari Achouri
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