Maroc : révolte contre le régime à Sidi Ifni
Sidi Ifni, sur la côte atlantique sud du Maroc, à 160 km au sud d’Agadir, fait à nouveau parler d’elle. Depuis plusieurs jours, la tension ne cesse de monter dans cette région concédée à l’Espagne en 1767 pour y créer des pêcheries de sardines, et redevenue marocaine depuis 1969. Face au mépris et à l’arbitraire du Makhzen, les habitants de Sidi Ifni se sont révoltés et ont occupé plusieurs bâtiments officiels.
Ils ont hissé le drapeau espagnol et ont demandé à bénéficier de la nationalité espagnole. Des arrestations ont été effectuées par la police marocaine au sein d’un ancien bâtiment, appartenant à l’Espagne au centre-ville de Sidi Ifni, ce qui constitue une violation du droit international. Le makhzen apeuré a demandé l’aide de l’Espagne.
Une importante délégation espagnole est sur place pour désamorcer la forte tension qui régnait dans cette ville, le jour où le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, devait présenter ses conclusions au Conseil de sécurité à propos du rétablissement des activités de la composante civile de la Minurso sur la base de la résolution 2285. Ce n’est pas la première fois que les habitants de Sidi Ifni bougent pour protester contre leur situation sociale créée par leur marginalisation et les humiliations qu’ils subissent de la part des autorités marocaines. Il y a huit ans, en juin 2008, plusieurs milliers de manifestants avaient bloqué pendant une semaine le port de Sidi Ifni, pour dénoncer la pauvreté, le chômage et l’exclusion dont sont victimes les habitants de cette région. Des émeutes avaient éclaté et la ville avait été assiégée par les forces de l’ordre avec impossibilité pour la population d’en sortir. Des arrestations avaient été effectuées dans le milieu associatif, en particulier les militants des droits de l’Homme et parmi des universitaires au chômage qui bloquaient le port. Une marche pacifique, composée surtout de femmes, avait été réprimée par les forces de l’ordre, et la situation avait dégénéré en affrontements violents qui avaient provoqué la mort de plusieurs manifestants et des dizaines de blessés. Près de 200 personnes avaient été interpellées par la police marocaine.
Deux mois après, des centaines d’habitants de la ville manifestaient une nouvelle fois en bloquant le port pour protester contre les arrestations de leurs proches et exiger leur libération. Des dizaines de camions chargés de poissons avaient été ralentis ou stoppés, et l’accès au port totalement bloqué. Plus tard, un rapport établi sur la base d’une enquête faite par des associations de droits de l’Homme mentionnera expressément des cas de bastonnade, de viols et de punition collective de la part des forces de répression marocaines. A la suite de ces troubles, une année après, une vingtaine de personnes avaient été condamnées par le tribunal d’Agadir à des peines allant jusqu’à deux ans de prison. En mars 2012, toujours à Sidi Ifni, les violents affrontements se sont reproduisent, opposant, cette fois, les forces de l’ordre à des manifestants qui protestaient contre l’arrestation d’un membre du Mouvement du 20 Février. Les forces de l’ordre avaient utilisé des bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants qui ont enregistré plusieurs blessés dans leurs rangs. En fait, la contestation sociale n’a jamais cessé de gronder à Sidi Ifni, et ce qui vient de se passer dans cette région prouve que le ras-le-bol est atteint par ses habitants.
Houari Achouri
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