L’islam accusé à demi-mot après l’assassinat du prêtre Jacques Hamel : erreur sur la cible
De Marine Le Pen qui exhibe ostensiblement une croix suspendue à son cou lors de son passage sur France 2, hier soir, à Alain Juppé qui n’écarte pas une menace de «guerre civile» en France, en passant par Manuel Valls qui prône une réforme en profondeur de l’«islam de France», la classe politique française se trompe éperdument de cible. A trop vouloir éviter les amalgames, les partis traditionnels se prêtent maladroitement au jeu des extrémistes et glissent subrepticement vers une confrontation interconfessionnelle. Désormais, c’est à l’islam que les Français s’en prennent et non plus aux terroristes qui s’en servent comme motif pour légitimer leurs crimes abjects. Cette situation ubuesque pousse les personnalités religieuses musulmanes, qui s’échinent à innocenter l’islam, à se justifier après chaque attentat.
De leur côté, les médias se focalisent sur la condamnation unanime des musulmans pour tenter de sauver la «cohésion nationale» et de sauvegarder la «coexistence pacifique» entre les différentes communautés. Mais ces vaines tentatives d’éviter une cassure définitive au sein de la société française ne font, en fait, qu’aggraver les tensions entre les musulmans et les Français d’autre confession, notamment chrétienne et juive.
Si, en apparence, les différentes réunions et professions de foi des chefs religieux des trois religions monolithiques servent à ressouder les rangs momentanément, en réalité, la rupture entre les communautés religieuses en France est consommée. D’un côté, les musulmans font face à une xénophobie – bien que pas toujours apparente – grandissante en raison de l’appartenance religieuse des auteurs des massacres et des tueries abominables sur le sol français et ailleurs en Europe, précisément – la mort de centaines de milliers d’innocents en Irak, en Syrie, au Yémen et en Libye est secondaire –, de l’autre, les extrémistes de droite n’oublient pas leur haine envers le «juif» accusé d’envahir tous les espaces vitaux dans cette partie développée du monde. Dans les deux cas, la montée de l’extrême droite et l’exacerbation de la xénophobie l’emportent.
Face à cette réaction en chaîne provoquée par le terrorisme islamiste, dont l’aggravation est le résultat implacable de la politique interventionniste des Etats-Unis, adoptée par suivisme et allégeance à Washington comme doctrine par Nicolas Sarkozy et poursuivie par François Hollande, les dirigeants français pointent leurs armes dans la fausse direction. En effet, en arborant une croix volontairement visible, Marine Le Pen exprime la nature du conflit tel qu’elle et son parti le perçoivent. Pour le Front national, il s’agit, donc, d’une guerre interreligieuse qu’il faut affronter par une nouvelle croisade. De son côté, l’ancien ministre des Affaires étrangères craint une escalade qui pourrait atteindre un point de non-retour. Autrement dit, pour Alain Juppé, ce n’est pas le terrorisme que la France combat, mais une armée – sous-entendu – de musulmans. Enfin, le Premier ministre veut solutionner le problème en réformant l’islam de France. Manuel Valls n’ignore pourtant pas que les terroristes qui ont commis des actes abjects sur le territoire français ne fréquentaient pas les grandes mosquées de Paris, de Marseille, de Nice, de Lyon ou de Bordeaux, qu’ils considèrent comme hérétiques et dont les recteurs constituent eux aussi une cible potentielle.
M. Aït Amara
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