Ben M’hidi le socialiste
Par Saadeddine Kouidri – «Avec l’aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M’hidi et nous l’avons pendu, d’une manière qui puisse laisser penser à un suicide», déclarait Paul Aussaresses, 50 ans après son forfait. Le journal du Parti communiste français, l’Humanité, écrivait déjà dans son édition du 26 mars 1957 : «Il y a deux semaines, on apprenait d’Alger que Ben M’hidi avait été trouvé pendu dans sa cellule. Un communiqué de police n’expliquait pas comment, mains et pieds attachés par des menottes, il avait pu déchirer sa chemise, tresser un lien et se le passer autour du cou.» Comme l’Humanité, le peuple algérien savait, mais il se trouve que ce mensonge grossier du suicide trouve, y compris des décennies plus tard, des personnalités et pas des moindres qui écriront que Ben M’hidi lors de son interrogatoire aurait déclaré : «Nous sommes en pleine guerre… Oui, j’aimerais mourir avant la fin», et prêteront comme d’autres le flanc au mensonge.
Est-il permis d’ignorer l’engagement politique d’un leader ? Quelques jours seulement avant le congrès de la Soummam, Ben M’hidi le rappelait pour ses compagnons et pour la postérité en écrivant sur El Moudjahid n° 2 que «le peuple algérien reprend les armes pour chasser l’occupant impérialiste, pour se donner comme forme de gouvernement une république démocratique et sociale, pour un système socialiste, comportant notamment des réformes agraires profondes et révolutionnaires, pour une vie morale et matérielle décente». On ne peut comprendre la perpétuation du mensonge de l’empire colonial français par des opposants politiques, que lorsqu’on sait qu’une république politique ne peut être que socialiste. Celui qui porte un tel projet et plus que dangereux pour le grand capital et ses sbires. D’innombrables livres, la presse en général et particulièrement les médias, dans le cadre de la guerre à notre histoire, à notre mémoire, traitent notre lutte de libération qu’ils continuent d’intituler «guerre d’Algérie» en relayant le mensonge de leurs maîtres, hier ceux de la colonisation, aujourd’hui ceux de l’oligopole bancaire, surtout quand ils font de quelques officiers français des criminels particuliers.
Ce leurre de l’exception de quelques officiers tortionnaires a un seul but : celui de déculpabiliser la colonisation française de son crime contre l’humanité. Des techniques semblables sont employées et poussent aux drames successives dans le but de briser tout espoir chez le peuple et ont comme empreinte la plus récente les ossements de la petite Nihal qui nous rappelle d’autres crimes comme celui de Boudiaf, de Boumediene, d’Abane et tant d’autres. Ou simplement la photo qui faisait récemment la Une de la presse d’un chef du GIA au milieu des autorités du pays. Par de tels crimes, l’ennemi tente de nous mener vers le désespoir et c’est au moment d’un tel basculement que les héros sont convoqués par notre mémoire. Et le mois d’août n’en manque pas. Pour revenir à un autre lien, un autre héros où il faut aller comprendre que Ben M’hidi était inspiré par l’un des plus vieux et un des premiers moudjahidine de la lutte de libération et qui se nomme Smati Mohamed El-Abed. Qui est ce vénérable cheikh ?
Tous savent que M. Smati a été un enseignant, c’est lui et Ali Marhoum qui ont adapté la pièce de théâtre «Pour la couronne» de François Copé (!) où Ben M’hidi jouait le rôle de Constantin. Il était un des plus vieux moudjahidine et parmi les premiers de la lutte de libération. Il a été arrêté au djebel Aria de Constantine ; emprisonné, il a été longuement torturé. Il avait été exclu de l’Association des oulémas après le 8 mai 1945 à cause de son engagement politique et nous savons très peu sur ses écrits et son journal intitulé «Abou-El-Adjayeb » où il était le rédacteur en chef dont le premier numéro remonte au jeudi 24 mai 1934. Il avait comme directeur de publication Bouchemal Ahmed, mort en prison lors de la guerre de Libération. Le siège du journal était au 13, rue Alexis-Lambert à Constantine.
S. K.
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