François Gèze se mord les doigts de n’avoir pas pu faire durer le terrorisme en Algérie
Dans une tribune parue dans Médiapart, l’éditeur de la sale littérature fait la promotion d’un roman policier allemand qui vient d’être traduit en français et publié en France. Ce que François Gèze trouve d’intéressant dans ce polar, c’est le prolongement jusqu’au Rhin du «qui tue qui» dont il est le zélateur attitré. Le directeur des éditions La Découverte ne manque pas de faire le parallèle avec le livre du félon illettré Habib Souaïdia, La sale guerre, dont il est lui-même l’auteur, à vrai dire. Il ne le dit pas de manière directe ; il l’insinue en évoquant de «jeunes officiers lucides et patriotes des services et de l’armée» algériens, qui ont voulu «en finir avec le régime honni». François Gèze a beau essayer de convaincre les lecteurs que sa chronique est une note de lecture de l’ouvrage écrit par Olivier Bottini et intitulé Paix à leurs armes, la trame de son article n’en trahit pas moins sa propension à la mégalomanie et son regret profond que l’Algérie n’ait pas eu son «printemps arabe».
Le livre allemand incite ouvertement à la violence. Adoptant le mode de la fiction certes, son auteur dessine néanmoins les contours d’un espoir étouffé de voir l’Algérie sombrer dans le chaos. Il y est question de «conjurés» qui se disent «préparés» et qui disposent de «camps d’entraînement en Egypte, en Libye, au Maroc» et «en Algérie, chez [nos] Targuis». Il y a lieu de noter, en effet, que le livre Paix à leurs armes a été édité en 2012, c’est-à-dire au début des soulèvements dans certains pays arabes et du déclenchement de la guerre civile en Syrie, en Libye et au Yémen. Ce n’est qu’en 2016 que les éditions Piranha – qui portent bien leur nom ! – ont décidé de publier la version française. Voyant, sans doute, que le livre a une faible portée et est peu médiatisé – le «cas» algérien étant passé de mode –, François Gèze, en désespoir de cause, a pris sur lui de le «vendre» à l’opinion publique française huit mois plus tard, dans l’espoir que son algérophobie soit essaimée en ces temps de grandes tensions intercommunautaires et de controverses en France.
Si Paix à leurs armes est décrit comme un «thriller haletant sur la corruption des Etats autoritaires et sur le cynisme des démocraties occidentales», François Gèze, lui, ramène le livre à sa petite personne, ne retenant que les passages qui, par une sorte de sublimation, renvoient à son Pinocchio. Dans le roman d’Olivier Bottini, Habib Souaïdia s’appelle Aziz, «un jeune Algérien idéaliste vivant en France» qui évoque les «principes de la révolution que prépare le mouvement des «Sans noms». «Pas de justice expéditive, pas d’amnistie générale, pas de tribunal militaire. Nous traînerons les criminels devant des tribunaux civils démocratiques. Nous travaillerons le passé dans le respect de la démocratie. Le second printemps arabe. […] Nous ne torturerons pas, ne violerons pas, ne tuerons pas de civils. Une révolution sur la base des conventions de Genève et du droit international de La Haye !». François Gèze laisse ainsi transparaître son amertume face à l’échec de son plan en Algérie, en se focalisant sur cette partie du livre, rêve éveillé succédant à la douleur de la cagade.
«Soyons clairs, s’il ne fait pas de doute que de très nombreux Algériens, dans le pays même et dans la diaspora, partagent aujourd’hui ces principes et ces espoirs, il est tout aussi certain qu’ils ne sont en réalité aucunement en mesure de construire une telle organisation. Principalement parce que les chefs de la police politique, au cœur du pouvoir depuis des décennies, ont puissamment œuvré, tant en Algérie qu’en Europe, afin de briser dans l’œuf toute opposition structurée, par tous les moyens : répression constante des militants, infiltration et « clonage » des organisations d’opposition, voire « assassinats sélectifs »», se lamente François Gèze. Dans le même sillage, l’acolyte des deux «B» – Bourdin et Baudouin – reproche aux puissances occidentales de jouer un «rôle majeur» dans le maintien du régime algérien «pour des raisons très intéressées», c’est-à-dire, le pétrole, le gaz et les ventes d’armes. Olivier Bottini, ainsi relayé par François Gèze, appelle ces puissances à ne pas se concentrer uniquement sur ces thèmes – économie, énergie et armements –, mais à tirer les oreilles des dirigeants de tous ces Etats colonisés et les sermonner sur «les valeurs démocratiques, comme les droits de l’Homme, la dignité de l’être humain, la liberté d’expression».
Au grand dam de François Gèze, ni son personnage fictif Habib Souaïdia n’a réussi à faire monter la mayonnaise ni l’Europe n’a lâché le pouvoir en Algérie pour l’offrir au FIS. Il s’en mord les doigts et se réfugie alors dans les fantasmes de son pendant allemand. De désillusion en désillusion. Pauvre Gèze !
M. Aït Amara
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