Regroupement des cimetières juifs : tentative d’ingérence israélienne en Algérie ?
L’affaire créée par le projet de regroupement de 31 cimetières juifs en Algérie a-t-elle donné l’occasion à Israël de tenter d’intervenir sur une question qui relève de la souveraineté de notre pays ? Les premières opérations devraient commencer en début 2017 alors que la sélection et la formation des personnels intervenants sont prévues pour novembre 2016. Le site JSS News (Jonathan-Simon Sellem News) affiche cette préoccupation en mettant en doute le «bon vouloir» de «l’Algérie qui est un pays politiquement hostile à Israël», à protéger les cimetières juifs. Il avance comme argument «dans quel état ces cimetières sont à ce jour !»
L’auteur, qui est conseiller consulaire, évoque le cas d’Oran, où « par exemple, une route traverse le cimetière depuis la destruction de nombreuses sépultures». Dans un récent communiqué, le Consistoire israélite de Paris, qui agit sur cette question à la demande du gouvernement français, rappelle que cette situation avait été déjà établie par un membre de cette institution juive qui avait « arpenté quelques cimetières et décrivait déjà un état de ruine de plusieurs cimetières juifs». Mais le Consistoire n’a pas mis en cause les pouvoirs publics algériens. Pour lui, «les raisons sont l’abandon de ces cimetières par les familles, la forte végétation, les tremblements de terre, les inondations, le temps». Par contre, il a tenu à «préciser qu’aucune tombe juive n’a été profanée. Aucune dégradation volontaire, aucune inscription hostile ne sont à signaler sur les tombes juives».
Le projet de regroupement des cimetières juifs est suivi de très près par le Consistoire de Paris qui souligne, dans son communiqué, que «le transfert des tombes juives sérieusement dégradées vers le cimetière juif le plus proche» est légalement autorisé par le gouvernement algérien. Il souligne, en outre, contrairement à ce que laisse entendre JSS, qu’«aucune tombe juive ne sera déplacée sans l’accord et la supervision religieuse du Consistoire». Le Consistoire fait le point de la situation des cimetières juifs en Algérie, avec une grande précision : «Il y a en Algérie 81 cimetières juifs. 31 seront transférés vers les cimetières de regroupements.
Il y a en Algérie 57 898 tombes juives. Seules 1 136 tombes devraient être regroupées.» Il rappelle que selon un accord franco-algérien, «les terrains libérés seront utilisés par les autorités algériennes dans un but d’intérêt public ; soit pour un jardin, soit pour la construction d’une école ou d’un hôpital». Le projet prévoit de rénover les cimetières subsistants, de réparer les tombes, de reconstruire, ou construire, les murs extérieurs. Le communiqué du Consistoire de Paris rassure quant à l’avenir : «Les cimetières juifs vont être gardés et entretenus», de la même façon que les cimetières chrétiens. Même s’il s’en défend, JSS News remet en cause le Consistoire, sous prétexte du souhait de s’associer à lui «afin de pouvoir apporter les meilleures solutions».
Il estime que le transfert des ossements vers Israël est une opération très difficile, car «la logistique nécessaire pour une telle entreprise est colossale et les budgets requis sont très importants pour assurer pendant de longues périodes le maintien des équipes en terre étrangère». Il a créé «un comité engagé dans ce combat» qui va travailler sur chacun des cimetières juifs concernés pour procéder à un «référencement professionnel» et faire une «étude topologique et géographique». JSS ne cache pas qu’il ne fait pas confiance au Consistoire de Paris. Il appelle à «résister pour maintenir le statu quo et trouver un accord international afin de garantir la remise en état de ces cimetières et la garantie contractuelle totale que dans quelques années, le dossier ne sera pas rouvert», et se prépare aussi à «organiser le déplacement collectif de ces cimetières vers Israël avec le travail énorme que cela va demander et le suivi que cela exige».
Il est utile de rappeler que l’auteur, Jonathan-Simon Sellem, a fait parler de lui au lendemain des attentats de Paris, commis en novembre 2015, en affirmant que des «officiels juifs» avaient été prévenus le matin même de l’imminence de ces attaques. Peut-on le considérer comme «une voix autorisée» ?
Houari Achouri
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