Chant de leur propre épouvante
Par Smaïl Hadj Ali – Shimon Peres, «l’homme de paix qui a changé le cours de l’histoire» (Obama) ; «un ardent défenseur de la paix» (Hollande) ; «cette conscience de l’humanité» (Valls) ; «un guide pour la paix» (Ban Ki-moon) ; «un homme merveilleux» (Poutine) ; «un géant de la politique» (Blair). C’est en ces termes qu’est dépeint Shimon Peres, acteur émérite de la négation et de la dévastation de la nation et du peuple palestiniens. Pour lui rendre hommage, nous publions ces extraits de Chant de leur propre épouvante, de Smaïl Hadj Ali.
Chant de leur propre épouvante
Adeptes «de la pureté des armes»[1]
Missionnaires du feu qui tue
Des bombes et des flammes
Et du phosphore blanc
Ce «nouveau napalm»
Apôtres du meurtre ciblé
Notre combat est légitimé
C’est pour cela
Que nos amis nous livrent
Sans bourse déliée
Et sans discontinuer
Des armes sans compter
Et des «chants d’amour»
Ils font la différence
Comme le Président de France
Récemment en conscience
Au nom des Français
Il s’est exclamé[2]
«C’est une inoubliable soirée»
Puis il s’est adressé
A notre boss amusé
«Je ne sais pas chanter
Mais j’aurais toujours trouvé
Un chant d’amour pour Israël
Et pour ses dirigeants
Entre nous maintenant
On ne pourra voir
Que la vie en rose»
C’est que voyez-vous
Notre pays en impose
De telles paroles
Sont compréhension
Absolution compassion
Elles nous encouragent
A vénérer le néant
Ecoutez à cet effet
Ce que racontait
Un des nôtres
Il est aussi des vôtres
Il fut chef d’état-major
A toi Dan[3]
Merci Ariel
Pilote de chasseur-bombardier
Je sais aussi larguer
Des bombes au phosphore
Du crépuscule à l’aurore
J’ai été aussi
Chef d’escadrille
D’avions Phantom
C’est eux qui chargèrent
Des bombes nucléaires
Sur ordre de Golda Meir
Pour se préparer
Merci Guy Mollet
A toute éventualité
On ne sait jamais
C’était en 1973
Il y en avait 13
On aurait pu tout foutre en l’air
Mais après nous le déluge
Mais qui suis-je ?
Dans la vie psychanalyste
Petit-fils de gazés d’Auschwitz
J’ai effacé totalement
Le regard des miens
Et ne sais plus
Ce que ma grand-mère fut
Elle n’a pas de tombe
Quand je largue une bombe
Je ressens dans mon F16
«Une très légère secousse»[4]
Sensuelle infiniment douce
Une seconde après elle a disparu
Je jouis alors en trombe
C’est ce que je ressens
Quand je largue une bombe
Sur les Arabes
Voluptas necandi
Mais passons
Ou plutôt revenons
A nos moutons
Notre combat est intemporel
C’est une guerre perpétuelle
Du crépuscule à l’aurore
D’un commun accord
Aux Palestiniens tout le temps
Aux Libanais de temps en temps
Nous distribuons
La fin et la terreur
Guidées par des «désignateurs lasers»
Nos bombes de haute précision
Comme chalumeaux
Transforment ces multitudes en charbon
Les engins étatsuniens
Entre nos mains
Tuent de jour de nuit
Et parfois même
Sans faire de bruit
Un tir précis
Sur un immeuble
Un lot d’habitations
Une école une maison
Une ambulance
Un service d’urgence
Grâce à nos bombes standards
Ne nous coûte pas plus d’un dollar
Il n’y a pas de petits profits
Dernièrement on a détruit
Chez les Ghazaouis
Seize mille maisons
Grâce à nos images satellites
Tels des «cancrelats»[5] ou des «criquets»[6]
Comme à Rafah et Jabaliyé
A Marhawine et Shadjaiyé
Nous les voyons grouiller
Pour enterrer leurs macchabées
Dans des fosses fraîchement creusées
Et parfois dans des caisses
De mauvais bois
A deux à quatre
A la fois
Et plus parfois
Ça se passe ainsi à Qana
Brûlée dévastée
Shimon Peres l’a ordonné
Dans ces décharges
Charniers sauvages
Ces cadavres en vrac
A Ghaza comme en Irak
Sont mis en sacs
Poubelles pêle-mêle
Nous avons pu d’ailleurs
Grâce aux tout derniers viseurs
Nos fameuses «têtes hautes»
Voir qu’ils n’en n’ont plus
Pour leurs débris
Leurs organes déchiquetés
En monceaux dispersés
Et ce qui subsiste encore
De leurs dépouilles putréfiées
Par les chiens errants
Sont dévorées
De ces cadavres abondants
Ils n’en peuvent plus
Ces pauvres canidés
Ils en ont la nausée
De là-haut
Malgré la nuit noire
On peut les voir
Vomir dégueuler
Le trop plein
De leur festin
Smaïl Hadj Ali
Extraits de Chant de leur propre épouvante
Texte ouvert depuis 2000
[1] Bernard-Henri Lévy dixit. La formule est de Shimon Peres.
[2] Le président François Hollande lors d’un voyage d’Etat en Israël en novembre 2013, s’adressant à Netanyahu.
[3] Propos de Dan Halutz, ancien chef d’état-major de l’armée israélienne.
[4] Propos de Dan Halutz.
[5] Le personnel militaro-politique israélien qualifie ainsi les Palestiniens. Voir sur le net La colosionisation de la Palestine, par Smaïl Hadj Ali.
[6] Idem.
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