Destitution de Saïdani et réhabilitation de Zeghmati : Bouteflika va-t-il sacrifier Khelil ?
La nomination au niveau du parquet général de la Cour suprême de Belkacem Zeghmati, l’ancien procureur général près la Cour d’Alger qui avait été limogé le 21 septembre 2015 à la faveur d’un mouvement de magistrats – mais, en fait, pour avoir lancé, durant l’été 2013, un mandat d’arrêt international contre l’ex-ministre de l’Energie –, pose une série de questions sur la signification de ce qui apparaît comme une véritable réhabilitation de ce magistrat. Il faut rappeler que le président Bouteflika avait officiellement mis un terme à ses fonctions de procureur général près de la Cour d’Alger dans un décret présidentiel du 28 février 2016 paru au Journal officiel. Le limogeage de Belkacem Zeghmati avait été, alors, présenté par les analystes politiques comme un effet collatéral de l’éviction, le 13 septembre 2015, du général-major Mohamed Mediene, dit Toufik, de la tête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS).
Dans le contexte politique actuel, doit-on faire maintenant le lien entre la réhabilitation de Belkacem Zeghmati et le limogeage intervenu, il y a à peine trois semaines, d’Amar Saïdani qui a quitté, sans crier gare, et à la surprise générale, son poste de secrétaire général du FLN ? Dans le départ de Saïdani, le mode opératoire, qui a rappelé la mise à l’écart expéditive d’Abdelaziz Belkhadem, et la personnalité du nouveau patron du FLN, Djamel Ould-Abbès, proche du président de la République, ne laissaient aucun doute pour les observateurs sur l’initiateur de cette mesure. En comparaison, la nomination de Belkacem Zeghmati à la Cour suprême est plus limpide puisqu’il s’agit d’une prérogative du président Bouteflika.
En sanctionnant Saïdani pour, ensuite, réhabiliter Zeghmati, le chef de l’Etat est-il dans une démarche qui annonce que le tour de Chakib Khelil est venu et qu’il sera jugé ? On se rappelle que Saïdani avait défendu l’ancien ministre de l’Energie, affirmant qu’il était un cadre «compétent et propre». Chakib Khelil, lui-même, s’était présenté comme la «victime» dans l’affaire de corruption liée aux contrats accordés par Sonatrach à la firme italienne Saipem et au centre de laquelle il a été placé par le mandat d’arrêt lancé contre lui par Belkacem Zeghmati. Il l’avait dit, dans un entretien accordé à la chaîne privée Ennahar TV, en avril dernier, alors qu’il était engagé dans une série de visites de confréries religieuses pour y être «honoré», à chaque fois, au milieu d’actions de protestations menées par des citoyens.
L’hypothèse que Khelil soit jugé est plausible dans la mesure où cela permettrait de renforcer la crédibilité du président Bouteflika aux yeux des citoyens qui veulent connaître la vérité sur cette affaire et qui attendent donc que «justice soit faite». On sait que la destitution de Saïdani a été bien accueillie par l’opinion publique ; un «procès Khelil» le serait sans doute tout autant et, dans tous les cas, occuperait la rue et lui ferait oublier un tant soit peu ses difficultés dues à la cherté de la vie et l’angoisse face aux perspectives économiques effrayantes si l’on en croit les mises en garde relatives à la loi de finances 2017.
Mais si un tel fait survenait, la surprise serait encore plus grande que celle de la démission d’Amar Saïdani annoncée par lui-même. En effet, en ce moment, Chakib Khelil est plutôt dans une posture de retour aux affaires si on interprète ainsi ses passages sur les plateaux de télévision pour donner son avis sur la conjoncture actuelle et même sur l’action du gouvernement.
Houari Achouri
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