Mokri chez Al-Qaradawi au pays d’Erdogan où flotte le drapeau israélien
Toutes les opportunités sont bonnes pour les islamistes algériens quand elles permettent un voyage en Turquie, surtout s’il s’agit, en plus, de réaffirmer leur allégeance à leur «vénérable cheikh» Al-Qaradawi. C’est justement le motif du séjour ce samedi à Istanbul d’Abderrezak Mokri, président du MSP, qui a retrouvé sur place deux de ses rivaux, Abdelmadjid Menasra, ancien vice-président du MSP, et Slimane Chenine, ancien chargé de la communication du même parti.
On sait que Abdelmadjid Menasra, candidat malheureux à la présidence du MSP au congrès de 2008, avait claqué la porte après son échec et s’en est allé fonder sa propre «haraka», appelée le Front du changement, constituée de transfuges du MSP, et Slimane Chenine en a fait de même et a créé Haraket el binaâ el watani, formée également de transfuges du MSP et dont il a revendiqué ouvertement dès le départ la filiation avec les Frères musulmans.
Chez ces cheikhs, la recherche de la zaâma (leadership) est plus forte que tout et ils préfèrent être chacun à la tête d’un parti que jouer les seconds rôles dans une autre formation islamiste. Mais leur allégeance aux Frères musulmans leur est commune, ce qui explique leur présence ensemble chez Al-Qaradawi à Istanbul, dont ils cautionnent tous trois le discours prononcé à cette occasion, dans lequel il a réitéré son soutien à ceux qu’il appelle «frères», c’est-à-dire les groupes terroristes qui agissent en Syrie, en Irak, en Egypte, au Yémen et en Libye.
Al-Qaradawi, «guide» des Frères musulmans, représente dans chacune de ses démarches la devise qui devrait être portée sur l’étendard de cette confrérie : el harbou khidâa (la guerre est affaire de trahison) et qui justifie à la fois l’hypocrisie et l’opportunisme, en fait l’absence totale d’éthique politique, constatés chez les islamistes en Algérie. Comment comprendre autrement, si on a un minimum de principes, qu’Al-Qaradawi souhaite, en paroles, la victoire des Palestiniens, et que, dans les faits, il choisisse la Turquie pour y fêter son anniversaire et recevoir ses «fidèles» ?
Tout le monde sait que la Turquie d’Erdogan a d’excellentes relations avec Israël. Cela n’empêche pas Mokri de se rendre dans ce pays sur un claquement de doigts d’Erdogan, et de se trouver à l’ombre du drapeau israélien qui flotte dans la capitale turque, alors que le MSP et ses formations rivales prétendent que le seul point qui les unit est le soutien à la «cause palestinienne». Ce qui les unit est plutôt l’allégeance à Al-Qaradawi, devant lequel les divergences qui ont fait éclater le MSP s’estompent.
Il suffit de savoir ce que dit Al-Qaradawi pour connaître la posture de Mokri, à propos des questions du terrorisme, notamment le silence sur les crimes de Daech ou sur les questions de société, comme l’attitude à l’égard des femmes. Al-Qaradawi a écrit que l’homme peut battre sa femme et en donne même le mode d’emploi. Dernièrement, Mokri s’est saisi du dérapage verbal de Mounia Meslem, la ministre de la Solidarité, pour replacer l’idée, bâtie sur des arguments religieux fallacieux, que la femme est un être inférieur et mineure à vie, et qu’elle devrait se contenter de rester à la maison à attendre que son mari apporte ce dont a besoin son foyer.
Oui, l’idéal d’Al-Qaradawi, et pour les islamistes qui le suivent, est que les femmes restent à la maison et s’occupent uniquement des tâches du foyer que leur assignent les hommes et sous leur autorité. On se rappelle comment Mokri et son parti, le MSP, ont bloqué pendant des mois le vote au Conseil de la nation de la loi qui protège les femmes contre les violences de toutes sortes qu’elles subissent au quotidien.
C’est cela le modèle d’Erdogan, l’ami d’Israël et allié du criminel Benyamin Netanyahu, assassin de Palestiniens à Gaza. Et on sait que Mokri est un fervent admirateur et partisan d’Erdogan. Les islamistes ne s’embarrassent pas des contradictions entre leurs paroles et leurs actes. Tout le monde le sait maintenant.
Houari Achouri
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