Saïd Sadi met en garde contre «un collapsus de la nation»
L’ancien dirigeant du RCD, Saïd Sadi, a vivement dénoncé la situation politique de plus en plus délétère, où l’on interdit de manière pernicieuse toute activité qui sort de l’agenda du pouvoir.
Dans une lettre ouverte au Premier ministre et publiée aujourd’hui sur sa page Facebook, Saïd Sadi a affirmé que «l’année 2016 se termine plus calamiteuse que celle qui l’a précédée, et au rythme où vont les choses, probablement moins que celle qui arrive». «Les Algériens ont eu toute la latitude de constater et d’en éprouver les séismes politiques, diplomatiques ou éducatifs avec leurs lots de discrédits institutionnels, désordres économiques et financiers ainsi que les drames sociaux et humains qui en découlent et dont le dernier en date est la mort d’un journaliste en détention», a souligné le docteur, pour lequel «ces schismes tectoniques qui affectent la scène macro-politique ne sont pas les seuls signes d’une décomposition avancée de la vie publique. Il y en a d’autres plus importants. Ce climat délétère est le signe d’un affaissement éthique et politique qui conduit droit à un collapsus de la nation».
Saïd Sadi cite dans ce sillage le cas de son association Afud, qui ne peut pas activer à cause de l’absence non seulement d’agrément, mais d’un récépissé de dépôt de la demande. «Après deux années d’intenses concertations et une méticuleuse étude, une cinquantaine de citoyens se sont rassemblés le 24 octobre 2015 à Alger pour envisager la création d’une association nationale de promotion des produits du terroir et du patrimoine immatériel qui en a permis la préservation», a-t-il rappelé dans cette lettre, précisant que l’installation effective de l’association dénommée «Analyse, Formation, Unification, Développement» (Afud) a eu lieu le 29 janvier 2016 en présence d’un huissier avec la participation de représentants de dix-sept wilayas, parmi lesquels figuraient des producteurs, des chercheurs universitaires, des ingénieurs, des communicants…
«Le conseil d’administration élu a désigné un comité exécutif qui m’a fait l’honneur de me confier sa présidence. Le dossier a été déposé le 1er mars 2016 auprès du bureau des associations du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales. Première distorsion à la réglementation : ce département refuse de délivrer le récépissé d’enregistrement. Une fois les enquêtes des trois services de sécurité menées, car dans notre pays il faut mobiliser l’ensemble de ces organes pour décider des suites à donner à une association, nous avons tenté de joindre à nouveau le ministère de l’Intérieur», a poursuivi le docteur Sadi, qui décrit ainsi le parcours du combattant suivi pour tenter d’obtenir ce fameux sésame qui permettrait à cette association d’activer. «Le secrétaire général de notre structure a appelé, en vain, une douzaine de fois la direction des associations, il a tenté à trois reprises de s’y rendre en personne sans avoir pu franchir la porte d’entrée. Il a essayé pendant trois semaines de se connecter sur le site internet censé répondre aux doléances des citoyens, sans plus de succès», a-t-il dénoncé, tout en assurant qu’«après avoir informé les instances de direction d’Afud de la situation, il avait pris la décision d’adresser en date du 19 juin 2016 au ministre de l’Intérieur une correspondance recommandée avec accusé de réception signalant les incohérences et les obstructions récurrentes dont nous étions l’objet».
«Faute de réponse, j’expédie une missive de rappel selon le même procédé 45 jours plus tard, soit le 4 août. Les accusés de réception des deux correspondances parviendront avec des mois de retard. Le récépissé d’enregistrement du dossier étant, naturellement, toujours mis sous embargo. Le 4 août, je vous envoyais également une lettre recommandée avec accusé de réception pour vous alerter sur ces dysfonctionnements. Comme celles adressées à votre ministre, elle restera sans suite», a-t-il relevé, assurant ainsi que le ministère de l’Intérieur avait instruit ses services centraux «pour ne pas délivrer de récépissé d’enregistrement aux citoyens désirant exercer leur droit de s’associer, le même département ministériel ordonne à l’administration territoriale d’exiger, pour toute forme d’activité, le document que ses services centraux refusent»…
Ainsi donc, a affirmé l’ancien premier responsable du RCD, «dans l’impossibilité de prouver la date de leur dépôt, les animateurs se trouvent piégés par une ruse de bazar concoctée au nom de l’Etat». «Les grandes ONG connaissent bien les entraves opposées aux droits fondamentaux par les régimes autocratiques. Elles décrivent ainsi les Etats voyous : autorités peu enclines à concevoir et respecter des lois claires et des cadres de médiation précis où le citoyen peut faire valoir ses droits. Je vous laisse le soin d’apprécier si cette définition convient au profil de notre bureaucratie», a-t-il écrit, soutenant que le propre des systèmes autistes est de perdre contact avec le réel. «Il faut être soumis à la gangue de la rapine qui agite le sérail et la panique crépusculaire qui y règne pour ne pas voir que l’on se dirige vers une désintégration physique du corpus social.»
Saïd Sadi estime dans ce sillage que «quand un gouvernement se laisse séduire par un charlatan qui prétend avoir découvert une potion divine prévenant les complications diabétiques, il peut bien se persuader que ses turpitudes peuvent, par la magie d’un verbe que lui seul entend, se transformer en miracle». «Voilà où en est l’Algérie de Abane et Ben M’hidi 54 ans après l’indépendance», a-t-il dénoncé. Le docteur Sadi refuse de se laisser faire et envisage de porter l’affaire devant la justice pour «mettre à nu une entrave patente à l’exercice d’un droit constitutionnel et les préjudices moraux et matériels que l’Administration a fait subir depuis plus d’une année à une démarche légale, qui plus est d’utilité publique».
Hani Abdi
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