Kamikazes malgré eux : ces enfants que les terroristes font exploser au nom de l’islam
Il y a quelques jours, l’ambassadeur de Syrie à l’ONU a rappelé aux médias occidentaux qui ont négligé ce fait que les terroristes ont utilisé une fillette de 7 ans pour commettre un attentat suicide activé par télécommande contre un poste de police à Damas. Au Nigeria, dans le nord-est du pays, deux fillettes, agissant sur ordre de leur père, se sont fait exploser dans un marché très fréquenté de Maiduguri. En août dernier, au sud-est de la Turquie, à Gazantiep, un attentat commis par un enfant-kamikaze âgé de 12 à 14 ans a fauché la vie de 51 personnes et blessé une centaine d’autres durant une cérémonie de mariage.
Il n’est pas exagéré de qualifier ces pratiques d’horreur absolue. Le recours aux enfants, en particulier les petites filles, pour commettre des attentats kamikazes se répand. Daech les appelle «oiseaux du paradis» et «petits lions du califat». En mars dernier, un rapport de la fondation britannique Quilliam, Children of The Islamic State (Enfants de l’Etat islamique), approuvée par l’ONU, a révélé qu’un grand nombre d’enfants, dont une cinquantaine de britanniques, sont endoctrinés par le groupe terroriste Daech.
A l’époque, le quotidien britannique The Guardian, qui avait eu accès au rapport, en avait cité un passage effrayant : «L’organisation concentre une grande partie de ses efforts sur l’endoctrinement des enfants basé sur une éducation à l’extrémisme en les entraînant à devenir de futurs terroristes. L’actuelle génération de combattants considère ces enfants comme encore meilleurs qu’eux, des combattants encore plus meurtriers qu’eux, car plutôt que d’avoir été convertis aux idéologies radicales, ils ont été endoctrinés dès la naissance ou à un très jeune âge à croire en des valeurs extrémistes.»
Selon ce think tank britannique spécialisé dans la lutte contre l’extrémisme, «ces jeunes recrues sont formées pour devenir une ressource future d’espions, prédicateurs, soldats, poseurs de bombes, bourreaux ou tout simplement pour servir de kamikazes». Le rapport met l’accent sur l’endoctrinement par Daech de jeunes enfants dans les écoles sur la banalisation, voire la «normalisation» de la violence «en les faisant assister à des exécutions publiques, en leur faisant regarder les vidéos de Daech, en leur donnant pour jouer des armes fictives».
Les médias rapportent également le contenu d’une étude réalisée par l’université de Georgie, aux Etats-Unis, qui se base sur des données récupérées sur Twitter et l’application Telegram couvrant la période allant de début 2015 à fin janvier 2016, qui indiquent que «des enfants ont été utilisés pour conduire des véhicules bourrés d’explosifs lancés sur des positions ennemies, et d’autres ont été tués en servant comme fantassins». Un autre rapport publié en avril 2016 par l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) fait état de l’accroissement brusque du nombre d’enfants utilisés par Boko Haram dans des attaques suicides au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger au cours de l’année 2015. Le rapport précise que «de quatre enfants utilisés par Boko Haram dans des attaques kamikazes en 2014, on est passé à 44 l’année suivante» et «plus de 75% de ces jeunes kamikazes sont des fillettes».
Avant Boko Haram, les talibans avaient recruté environ 5 000 enfants kamikazes âgés de 10 à 17 ans. Les observateurs de la lutte antiterroriste font remarquer que cette nouvelle génération d’enfants kamikazes, non seulement n’est pas connue des forces de sécurité, mais leur jeune âge est de nature à éloigner tout soupçon, ce qui facilite leur infiltration dans les lieux ciblés par les groupes criminels et augmente considérablement le risque d’acte terroriste avec un lourd bilan. Les spécialistes directement concernés par la lutte antiterroriste prennent très au sérieux ces signaux d’alerte.
Houari Achouri
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