Les partis et les législatives : le PT entre soutien critique et quête de renouveau (VI)
Rejet de projets de loi, dénonciation de mesures antisociales et antinationales, critiques acides contre certains membres du gouvernement, franc appui aux luttes des travailleurs et leurs syndicats, le Parti des travailleurs (PT) est à l’offensive. Depuis 2015, cette formation élève le ton pour faire entendre sa voix et use d’un langage plus dur sur la situation générale du pays et surtout sur la gestion des affaires de l’Etat, au point de s’attirer les foudres du pouvoir qui a actionné ses relais pour «une campagne virulente» contre sa première responsable et ses principaux collaborateurs. Mais le PT, qui se veut de gauche, ne vacille pas, reste placide face à ces attaques, remobilise ses trouves, intensifie ses activités et poursuit ses réquisitoires à la mitraille qui le mettent en première ligne du «front» de l’opposition.
Sa passionaria, Louisa Hanoune, réussit ainsi à occuper le devant de la scène politique durant des mois grâce à ses positions sur plusieurs dossiers. Des changements au sein de l’armée à la politique économique en passant par la gestion des affaires de corruption et la situation des libertés, le PT livre un message peu rassurant, allant jusqu’à douter de l’origine de certaines décisions prises sur des questions sensibles. Le ton critique du PT fait ainsi douter les observateurs les plus avisés sur sa participation ou non aux prochaines élections législatives. Une position que le parti de Louisa Hanoune refuse de prendre ou d’annoncer pour le moment, arguant qu’il y a encore des priorités plus urgentes.
Bien que très critique, le PT demeure fidèle à sa ligne politique, à savoir le soutien «critique» du pouvoir. Le PT ménage ainsi le président de la République et préserve son «autonomie» d’action et de décision par rapport au reste de l’opposition, démocrates et islamistes. Il ne semble donc pas être dans une posture qui le conduirait au rejet de ces échéances électorales, auxquelles vont participer presque tous les partis de l’opposition.
Certes, les orientations économiques du gouvernement Sellal, jugées trop libérales et attentatoires à la souveraineté nationale, poussent le PT à des prises de position fermes et tranchées, en rejetant les trois dernières lois de finances (2015, 2016 et 2017) ainsi que plusieurs projets de lois, comme celui de la suppression de la retraite anticipée, le nouveau code des investissements, mais aussi celui des douanes. S’il rejette presque toutes les mesures relatives à l’économie considérées comme une remise en cause des acquis sociaux et s’attaque frontalement aux hommes d’affaires désignés par le qualificatif d’«oligarques», le PT ne doute pas cependant de la légitimité du président de la République et continue de défendre le principe de l’illimitation des mandats présidentiels.
D’ailleurs, sur beaucoup de dossiers, le PT sollicite l’intervention du chef de l’Etat. Ce parti ne se gêne pas, dans son combat, à réclamer la tête de certains ministres, jugés trop libéraux ou sous influence réelle ou supposée de lobbies transnationaux. A titre indicatif, le PT se dit stupéfait du retour de politiques qui ont ruiné le pays, notamment la privatisation des entreprises publiques sous forme d’un pseudo partenariat public-privé. Il exprime par la même sa consternation quant à «l’activité débordante de l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil, qui, au lieu de s’expliquer devant la justice sur les scandales de corruption qui le concernent (Sonatrach I et II et Panama Papers), trouve des espaces publics pour professer et promouvoir la fin du caractère social de l’Etat, le retour à l’endettement extérieur et à la privatisation des entreprises publiques».
Tout en insistant sur son appui à toutes les luttes menées par les travailleurs et leurs syndicats, ainsi que par les jeunes (chômeurs et étudiants), le PT exhorte une nouvelle fois le président de la République à ordonner l’arrêt de la politique suicidaire du gouvernement et à agir contre ceux qui étaient impliqués dans des affaires de corruption et de malversations. Ne perdant pas de vue les prochaines échéances électorales, le PT investit grandement le terrain politique, va à la rencontrer des populations et s’intéresse de près à la jeunesse. Conférences de presse, meetings, rencontres de proximité, interventions tonitruantes au sein de l’APN, le parti de Louisa Hanoune est bien en quête d’un nouveau souffle, dans un contexte politique confus et plein d’incertitudes. Les prochaines législatives pourraient lui donner une meilleure visibilité pour son positionnement futur.
Hani Abdi
Comment (7)