Le CFCM dénonce l’islamophobie institutionnelle
L’Observatoire national contre l’islamophobie appelle à relativiser la baisse annoncée des actes d’Islamophobie en France. Dans un communiqué rendu public aujourd’hui, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie et secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, affirme que «si les actes antimusulmans ont baissé de 57,60% par rapport à l’année dernière, c’est tout simplement que l’année 2015 a été marquée par le contexte des attentats contre Charlie Hebdo et l’hyper casher, où nous avons atteint le sommet avec 1 172% d’augmentation des actes antimusulmans en janvier 2015».
L’Observatoire national contre l’islamophobie estime donc qu’il n’est pas possible de faire de comparaison entre 2016 et 2015 vu les évènements tragiques qu’a connus la France. «Ces chiffres ne reflètent pas la réalité, car nombreux sont les musulmans qui ne souhaitent pas porter plainte systématiquement lorsqu’ils sont victimes d’actes xénophobes, convaincus qu’il n’y aura aucune suite, ce qui est, hélas, la réalité», souligne M. Zekri, qui précise qu’à titre indicatif, «au cours de l’année 2016, le CFCM a reçu plus de 40 lettres d’insultes et de menaces – sans compter les insultes téléphoniques – sans qu’il y ait dépôt de plainte». Il poursuit en assurant que chaque fois que le CFCM porte plainte, il recevait «un classement sans suite par le parquet». Le prétexte est qu’il n’a pas de «coupable identifiable».
Aussi, pour le président du CFCM, une partie des baisses des actes antimusulmans s’explique par la mise en place d’un préfet chargé de la sécurisation des lieux de culte. En tout, 1 098 sites musulmans, mosquées ou salles de prière ont bénéficié d’une protection des forces de sécurité – police et gendarmerie – en 2016. A cela s’ajoute l’installation de vidéosurveillances autour de certaines mosquées et lieux de culte. Un système dissuasif. Pour une meilleure analyse de la situation, le CFCM veut connaître des actes antimusulmans dont les coupables ont été identifiés, arrêtés et traduits en justice et connaître également les peines qui leurs ont été infligées.
M. Zekri estime que «les actes antimusulmans ont été souvent encouragés par les discours de certains hommes politiques de droite comme de gauche, qui, au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes que traverse la France (crise politique, économique, morale…), ont préféré le terrain de ‘‘l’identitaire’’ (laïcité, voile, repas de substitution, burkini, etc.)». Le CFCM espère que durant la campagne présidentielle, les «questions identitaires» ne vont pas cristalliser le débat et stigmatiser l’islam et les musulmans. L’Observatoire national de lutte contre l’islamophobie est saisi, assure M. Zekri, en permanence, et cela depuis maintenant deux ans, par des Français de confession musulmane (des femmes et des hommes victimes de discrimination d’origine institutionnelle notamment dans l’enseignement, la police, les collectivités locales, la SNCF…).
«C’est purement et simplement du racisme et le rejet d’hommes et de femmes qui ne souhaitent qu’une chose : être respectés», dénonce-t-il, tout en se demandant si la devise de la République «liberté, égalité, fraternité» a encore un sens. Il y a aussi l’Islamophobie véhiculée à travers internet. «La cyberhaine, notamment les courriels en chaîne, est à l’origine d’une propagation de mensonges envers les musulmans et l’islam. Il y a une forte inquiétude devant cette diffusion massive et invisible. Ces courriels prônent la haine des musulmans, cette islamophobie vise la peur, la violence, les préjugés et la discrimination», relève l’observatoire contre l’islamophobie.
«Devant ce fléau, il est demandé aux hommes politiques de ne plus se taire et de s’exprimer sur la question de l’islamophobie, à la presse de dénoncer cette haine de l’autre qui porte atteinte au ‘‘vivre-ensemble’’, et aux responsables des autres religions plus de solidarité», appelle le CFCM.
Sonia Baker
Comment (4)