Pourquoi les propos de Macron sur la colonisation effraient la France officielle
La vague de réactions enfiévrées de la classe politique et des médias français après le tsunami provoqué par le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron, suite à sa déclaration sur le colonialisme, trouve sa justification dans l’applicabilité d’un traité signé par la France et qui risque de se retourner contre elle. En effet, en admettant que la colonisation de l’Algérie fut un «crime contre l’humanité», le probable futur président de la France expose son pays à l’article 7 du Statut de Rome ratifié en 2010 par Nicolas Sarkozy et François Fillon, alors respectivement président de la République et Premier ministre.
L’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 juillet 1998, dans son chapitre relatif aux crimes contre l’humanité – qualificatif utilisé par Emmanuel Macron –, stipule que ce vocable concerne tout acte commis dans le cadre d’une «attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile». L’article 7 cite, entre autres, le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou transfert forcé de population, la privation de liberté, la torture, le viol et les disparitions forcées de personnes. Or, la France coloniale s’est rendue coupable de plusieurs de ces actes passibles d’une plainte auprès de la CPI.
Selon les statuts des Nations unies, la Cour pénale internationale, dont le siège est à La Haye, est «compétente pour juger les auteurs présumés de crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou crimes d’agression, parmi lesquels des supérieurs ou des commandants militaires». Ainsi, les prérogatives de la CPI habilitent cette instance judiciaire internationale – jusque-là connue surtout pour sa partialité –, à «exercer sa compétence pour autant que l’Etat sur le territoire duquel l’acte ou que l’Etat dont le suspect est ressortissant soit partie au statut ou ait accepté la compétence de la cour». Or, les actes commandités ou commis par les responsables politiques et militaires français l’ont été sur un territoire que la France considérait comme étant le sien.
Les nombreuses victimes algériennes – encore vivantes – de torture, de viol, de déportation ou d’esclavage durant la colonisation française, ou leurs descendants, pourraient donc intenter un procès contre les auteurs des actes énumérés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Même à titre posthume ou comme geste symbolique, la France officielle refusant toujours de reconnaître ses crimes en Algérie durant 132 années d’occupation, de spoliation, de pillage et d’aliénation.
Karim Bouali
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