Désignation de l’ambassadeur Xavier Driencourt à Alger : le sens d’un retour
Comment expliquer le retour de l’ancien ambassadeur à Alger Xavier Driencourt à moins de deux mois de l’élection présidentielle en France ? Est-ce une manière de préserver les relations algéro-françaises des contrecoups d’une éventuelle mauvaise surprise, surtout avec la montée en puissance des deux candidats de la droite et de l’extrême-droite, François Fillon et Marine Le Pen, qui s’opposent farouchement à toute remise en cause des «bienfaits» de la colonisation et dont une victoire pourrait assombrir les relations entre Alger et Paris ? Ou par besoin de redynamiser le rôle de la diplomatie française dans la région du Maghreb, à l’heure où s’accélère le processus de paix en Libye, grâce notamment à l’engagement de l’Algérie qui multiplie les démarches de médiation pour trouver une solution politique et négociée à la crise libyenne ? Les deux arguments justifient largement un redéploiement de la diplomatie française qui s’est longtemps fourvoyée dans les insurrections du «printemps arabe» qu’elle a soutenues aveuglément, et qui n’aimerait pas se retrouver aujourd’hui à la marge des changements qui se dessinent.
Le choix fait pour le diplomate Xavier Driencourt, qui a déjà occupé ce poste entre 2008 et 2012 et qui connaît bien l’Algérie, plaide pour cette aspiration, côté français, à raffermir les relations avec notre pays et à s’en approcher davantage pour accompagner le processus en cours dans la région de l’Afrique du Nord.
Xavier Driencourt est présenté comme un homme attaché à l’Algérie. Il ne manquait pas, même lorsqu’il n’y était plus en poste, de plaider la cause des Algériens. Dans une déclaration en mai dernier, il a fait, par exemple, remarquer que l’Algérie avait perdu «un certain nombre d’avantages» dans l’accord algéro-français du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France. Pour ce diplomate français, l’accord de 1968 a «peut-être besoin d’être toiletté» et «aménagé» mais a insisté sur la nécessité d’en «garder la philosophie qui est celle d’un régime un peu particulier entre la France et l’Algérie».
Pour l’Algérie, la nomination de Xavier Driencourt est, sans nul doute, un gage de confiance dans cette conjoncture sensible. Elle dénote, en tout cas, l’importance que revêt ce poste, y compris pour la politique française interne. Ce n’est pas un hasard si un ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet (2006-2008), un arabisant et fin connaisseur du monde arabe, a été promu, il y a trois ans, patron du plus important appareil de renseignement français, la DGSE.
Deux autres ambassadeurs français ont été nommés à Alger depuis le départ de Xavier Driencourt en 2012, André Parant et Bernard Emié, mais n’ont pas vraiment laissé leur empreinte ou, du moins, n’ont pas eu une aussi bonne impression chez leurs hôtes.
R. Mahmoudi
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