Vaines gesticulations de Rabat : pourquoi le Maroc ne peut pas adhérer à la Cédéao
Le royaume chérifien a fait en février dernier sa demande officielle d’intégration de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), où il bénéficie déjà d’un statut d’observateur. C’était la «parade» trouvée par Mohammed VI pour sortir de son isolement africain et couper notamment les ponts avec l’Union du Maghreb arabe où ses caprices ne sont pas tolérés.
Mais, contrairement au discours rassurant des autorités marocaines, qui considèrent pour acquise cette adhésion, les choses peuvent ne pas aller de soit, comme vient d’ailleurs de le rappeler Moustapha Cisse Lo, président du Parlement de la Cédéao. «Les portes de cette organisation ne seront ouvertes au Maroc que s’il s’aligne sur les principes et fondamentaux de cette organisation. De plus, le dernier mot revient aux chefs d’Etat et chefs de gouvernement composant cette communauté. Si le Parlement est saisi pour avis, nous prendrons en considération les intérêts de nos peuples», a-t-il insisté dans un forum économique auquel il vient de prendre part.
Les propos de Moustapha Cisse Lo laissent clairement apparaître en filigrane que de nombreux pays de la zone Cédéao ne voient déjà pas l’arrivée du Maroc d’un bon œil. Autrement, M. Cissé Lo aurait tenu un tout autre discours. Ce n’est pas tout. L’adhésion du Maroc à la Cédéao pose également des problématiques politiques et juridiques auxquelles ses membres ne veulent visiblement pas être confrontés. Les premières oppositions à l’adhésion du Maroc à la Cédéao s’expriment au Nigeria, première économie d’Afrique, où de nombreux experts craignent que la venue du royaume chérifien ait des «implications négatives» sur la région.
Pour eux, «la Cédéao se ridiculiserait en intégrant un pays ne faisant pas partie de la région» et «provoquerait un renforcement du camp francophone». Une perspective dont ne veut pas du tout entendre parler le président Buhari. Déjà entouré de nombreux pays francophone, Lagos refuse ainsi de prendre le risque de se voir davantage marginalisé. De plus, ces mêmes observateurs reprochent au Maroc d’avoir constamment «déployé des efforts pour entraver les relations entre le Nigeria et son allié l’Algérie». «Le Nigeria a beaucoup à perdre d’une entrave de sa relation constructive avec l’Algérie», soutiennent-ils. Rappelant que le traité de la Cédéao ne permet pas l’admission d’un pays extérieur à l’Afrique de l’Ouest, ces mêmes observateurs de la scène économique nigériane soulignent que «le Nigeria ne doit pas permettre au Maroc de transposer son différend avec l’Algérie à la Cédéao» et que «l’adhésion du Maroc ne peut que desservir les intérêts de l’Afrique en général et du Nigeria en particulier».
Ce n’est pas la seule déception que le Maroc risque de connaître en Afrique de l’Ouest. Actuellement, de plus en plus de voix s’élèvent également au Nigeria pour dénoncer le mémorandum signé par le pays avec les autorités marocaines sur les fertilisants devant utiliser les phosphates du Sahara Occidental occupé. Rappelant la dénonciation par le département légal du Conseil de sécurité des Nations unies en 2002 de l’exploitation des ressources minières sahraouies par le Maroc en violation du droit international ainsi que l’inapplicabilité au territoire sahraoui reconnue par la Cour européenne de justice dans sa décision concernant l’accord de libre-échange sur les produits agricoles Union européenne-Maroc, ces voix demandent aujourd’hui l’annulation pure et simple de ce mémorandum.
La classe politique à Lagos avertit à ce propos que par l’accord sur les fertilisants signé avec le Maroc, qui exploite et exporte illégalement les phosphates du Sahara Occidental, le Nigeria «accorde involontairement une légitimité politique à l’occupation marocaine du territoire», en contradiction avec sa position constante sur la question du Sahara Occidental. Mais il n’y a pas que cela. Mohammed VI sera surpris de découvrir dans peu de temps qu’il y a aussi des pays francophones en Afrique de l’Ouest qui ne veulent pas de lui au sein de la Cédéao.
Khider Cherif
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