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Mahjoub Ben Bella : un grand artiste peintre sous-estimé par son Algérie

Par Yazid Sadat – Sûrement l’un des plus grands peintres algériens qui demeure le plus injustement méconnu des siens. Toute sa vie a été consacrée à la peinture ? et ses nombreuses œuvres, comme en attestent les plus imposants critiques d’art, ont marqué indéniablement l’histoire de l’art.

Pourtant, notre grand Mahjoub Ben Bella, qui clamait toujours haut et fort son algérianité et qui ne cessait de combler le monde par sa richesse artistique et le prestige de ses chefs-d’œuvre, semblait comme banni dans son propre pays.

Fallait-il attendre son extinction pour voir enfin son immense talent reconnu par ses compatriotes ? Fallait-il attendre son extinction pour voir enfin notre grand artiste peintre récompensé à titre posthume ?

Notre Mahjoub qui a su humblement cultiver l’amabilité et la simplicité persistait et signait qu’il restait cet homme allergique à toute promotion ou compromission dans son travail.

Ainsi, j’abrège mon propos sur ce grand maître de la peinture pour laisser hurler ma rage devant l’indigne et incompréhensible attitude de ces autorités algériennes qui tournent particulièrement le dos à cette valeur de la gratitude et de la reconnaissance qui doit se manifester à l’égard de ses meilleurs enfants.

Y. S.

Initiateur de Nous immigrés de France (NIF).

Ils ont dit de lui :

Claude Lemand : «Né en 1946 à Maghnia, dans l’Ouest algé­rien. Sa for­ma­tion se fait dans les écoles des beaux-arts d’Oran, puis à Tourcoing et à Paris. Il s’établit en France. Peintre aux mul­ti­ples facet­tes, il réa­lise des œuvres monu­men­ta­les, des céra­mi­ques, des objets, à côté de ses gran­des et peti­tes pein­tu­res sur toile, sur papier, sur bois ou sur pierre. Performances et gran­des réa­li­sa­tions monu­men­ta­les pour les lieux publics. Nombreuses expo­si­tions per­son­nel­les et col­lec­ti­ves dans les musées, cen­tres d’art et gale­ries d’Europe et du Proche-Orient. A ce jour, Mahjoub Ben Bella est repré­senté dans vingt musées et col­lec­tions publi­ques. Collections pri­vées à tra­vers le monde.»

Marie-Odile Briot : «En 1986, il peint les célè­bres pavés du Paris-Roubaix, L’Envers du Nord, fres­que rou­tière de 12 km (35 000 mètres carrés). Ce tapis de signes, ce rou­leau d’écritures, n’est que l’une des méta­mor­pho­ses d’un ima­gi­naire cal­li­gra­phi­que géné­ra­teur de son espace pic­tu­ral. (…) Ben Bella pro­cède à un ‘’dérè­gle­ment sys­té­ma­ti­que’’ de la cal­li­gra­phie arabe pour en faire l’espace d’une pein­ture capa­ble d’inves­tir de sa minu­tie la magie des tablet­tes et des talis­mans, et de l’ampleur de sa ryth­mi­que le format gigan­tes­que des toiles. La cal­li­gra­phie déve­loppe en contre­point la répar­ti­tion des taches colo­rées et l’économie répé­ti­tive de la ligne, comme une cho­ré­gra­phie désyn­chro­ni­sée dont les écarts ouvrent des ver­ti­ges, comme une poly­pho­nie dont les dis­cor­dan­ces hal­lu­ci­nent. Ce que cette transe doit à la musi­que, ses amis com­po­si­teurs le savent. Ce que cette ‘’véhé­mence des signes’’ doit à l’his­toire reste au secret de leur illi­si­bi­lité : dans tels ‘’talis­mans’’ cousus, les jour­naux contem­po­rains de la guerre d’Algérie tien­nent lieu de texte sacré.» (M-O. B. in Dictionnaire d’art moderne et contem­po­rain, Hazan, Paris)

Claude Lemand : «Ce que l’on dis­tin­gue d’abord dans sa pein­ture, c’est bien sûr le signe. Sa répé­ti­tion. Sa réso­nance comme s’il s’agis­sait d’un chant incan­ta­toire. Mais le propos de Mahjoub Ben Bella n’est pas d’illus­trer ou de suivre les traces illus­tra­ti­ves d’une quel­conque cal­li­gra­phie arabe. Non ! Il en tra­duit sim­ple­ment une musi­ca­lité qui trouve son rythme aussi bien dans le trait que dans la cou­leur. La par­ti­tion s’égrène de part en part, lan­ci­nante et vibrante de tous les sons. Bousculant le silence de la mono­chro­mie, il couvre la toile jusqu’à l’excès, la frappe du sceau de ses cro­ches, l’embel­lit de tona­li­tés chan­tan­tes. Il la trans­porte dans une abs­trac­tion syn­co­pée et linéaire. Dépassant par­fois cette simple tona­lité, il tente de nous perdre dans le bruis­se­ment même de la vie, dans des pay­sa­ges fré­mis­sants, des stri­den­ces rete­nues. Connu pour ses fres­ques rou­tiè­res dans le nord de la France, Ben Bella a recou­vert de ses signes 12 km de pavé. Dans ses toiles, il com­pose des champs sacrés dont les sillons nous entraî­nent au-delà du simple lyrisme. Il se laisse pos­sé­der par le ver­tige de l’écriture jusqu’à l’extase. Jusqu’à deve­nir le chan­tre d’un livre de priè­res à la gloire même de l’art.»

Jean-Louis Pinte : «Longtemps réglées par la gra­phie arabe, les créa­tions de Mahjoub Ben Bella n’en ont conservé peu à peu que le maté­riau pic­tu­ral, don­nant à voir une œuvre dense qui s’ins­crit dans un double héri­tage : celui de la cal­li­gra­phie arabe et de la pein­ture euro­péenne. Qu’il joue sur la pro­fu­sion des motifs ou sur les per­for­man­ces de sa gamme chro­ma­ti­que, l’artiste crée un cons­tant et minu­tieux dia­lo­gue du signe et de la cou­leur.» (J.-L. P. in Les Champs sacrés de Ben Bella, Figaroscope)

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