Cédéao : un ancien ministre sénégalais explique pourquoi il faut écarter le Maroc
Depuis le lancement de la «mission civilisatrice» du royaume chérifien en vue de la «conquête» de l’Afrique, la machine de la propagande marocaine nous sert frénétiquement des feuillets d’analyses et d’études de sources «très sérieuses» sur les bienfaits de la présence marocaine dans le continent et la sécularité des liens qui le lient à cet espace «en léthargie» en attente d’un sauveur ! Rares, par contre, sont les articles qui ont permis aux voix contraires de s’exprimer sur le revers de cette médaille royale ; alors, lorsque l’une des ces voix vient du Sénégal, éternel et inconditionnel allié du royaume, il est bon de s’y attarder.
Paru dans un quotidien sénégalais, l’article de l’ancien ministre de l’Intégration économique africaine et président du Conseil des ministres de la Cédéao, Jean-Paul Dias, s’insurge contre le «mutisme de tous (presse, politiques, ONG, universitaires, entreprises, etc.) au Sénégal comme dans la sous-région» concernant la demande d’adhésion du Maroc à la Cédéao et appelle à évaluer la pertinence et les conséquences de cette éventuelle adhésion sur les politiques et les économies des pays de la région. Et sur cette question, pour l’ancien ministre sénégalais de l’Intégration économique, le verdict est clair : «Après tout, que gagneraient le Sénégal et les autres Etats membres de la communauté dans une adhésion du Maroc à la Cédéao ? Rien ! Le Maroc ? Tout !»
A l’instar d’autres médias ouest-africains, l’auteur partage l’analyse selon laquelle l’adhésion du Maroc offrirait un vaste marché, mais surtout un ascendant important dans la région avec le soutien de ses alliés francophones qu’il entend, bien-sûr, utiliser pour diviser afin de régner.
A peine rejoint l’Union africaine qu’il tente vainement de déstabiliser, le Maroc, et face aux échecs cumulés au sein de l’organisation continentale, s’acharne «à coups de missions ministérielles et de messages royaux» à imposer sa volonté. «Il nous rejoue le refrain du disque rayé des liens multiséculaires, ironise l’ancien ministre sénégalais, ne se privant pas, comme à l’accoutumée, de faire étalage des ses contributions au bien-être des populations africaines.»
D’ailleurs, M. Dias relève dans son article «comment le Maroc pourrait-il adhérer à la Cédéao puisque le Traité de la Cédéao ne prévoit nulle part l’adhésion de quelque Etat que ce soit hormis ceux qui auraient ratifié ledit traité et dont les noms figurent expressément dans le préambule ?». «La géographie, écrit-il, n’est pas dotée de propriétés élastiques». Cette question et la réponse qui lui est donnée seraient parfaitement logiques si elles ne s’adressaient pas à un pays dont le mode opératoire consiste à imposer ses excentricités grâce au soutien outrancier d’anciennes puissances coloniales dont il sert les agendas.
Le Maroc n’en est pas à sa première tentative ubuesque de redessiner les frontières des Etats et du continent. Car, au-delà des visions expansionnistes par lesquelles il s’octroie des droits «historiques», voire «divins» sur les territoires des Etats voisins, à l’instar de l’Algérie, de la Mauritanie et de la République arabe démocratique sahraouie et même du Mali, le royaume s’est, par le passé, proclamé européen et, aujourd’hui, ouest-africain. Et Dieu seul sait quelle nouvelle distorsion géographique ou historique il nous offrira à l’avenir.
L’auteur de l’article conclut en invitant les Etats de la Cédéao à ne pas faire «entrer le loup dans la bergerie», car celui-ci s’adonnera aux mêmes pratiques qu’on lui connaît. «Ce ne sont pas les quinze membres actuels qui pourront faire face à l’agenda caché de ce pays», prévient-il. En effet, force est de constater que l’agressivité de la démarche marocaine a réussi jusqu’à présent à torpiller les efforts onusiens pour la résolution du conflit au Sahara Occidental et à décrédibiliser une organisation dont la vocation universelle se heurte aux agendas hégémoniques et clientélistes de certains membres permanents du Conseil de sécurité.
Les nombreuses interrogations suscitées en Afrique de l’Ouest par la persévérance marocaine dans la manipulation de l’histoire et de la géographie ont été renforcées, il y a quelques jours, à Dakar même, en relation avec le sabotage par le Maroc d’une conférence commune de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique au niveau des ministres des Finances. La délégation chérifienne a, en effet, eu la prétention d’occuper son siège et celui réservé au «Sahara Occidental» contre toute légalité et tout bon sens.
Le Maroc a ainsi donné une nouvelle preuve de son insatiable appétit de puissance, tout autant qu’il a fait l’ample démonstration de son mépris pour ses prétendus alliés et vrais relais, tel que le Sénégal. Le cri du cœur de l’homme d’Etat sénégalais lucide qu’est Jean-Paul Dias gagnerait à résonner partout en Afrique comme une alerte sérieuse.
Karim B.
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