Abu Dhabi prend de vitesse les pays voisins de la Libye
L’accolade que se sont donné, la semaine dernière, à Abu Dhabi, Fayez Al-Sarraj, le Premier ministre du Gouvernement d’union nationale (GNA), et le maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), à l’issue de leur entretien destiné à désensabler le processus de réconciliation en Libye, a requis le soutien de l’ensemble de la communauté internationale. Même l’ONU, qui ne semble pas avoir été associée à la préparation de la rencontre et qui donne présentement l’impression de tourner en rond dans le cas de la Libye, a encouragé les deux responsables à poursuivre leurs contacts.
En parrainant la rencontre et en persuadant surtout Al-Sarraj et Haftar de se rasseoir à la table des discussions, les Emirats arabes unis ont pris de court les observateurs qui s’attendaient plus à voir l’Algérie, la Tunisie ou l’Egypte accueillir un tel événement. Les trois pays œuvrent, en solo et collectivement, depuis au moins deux longues années, à essayer de réconcilier les gouvernements rivaux de Tripoli et de Tobrouk. La Tunisie est allée même jusqu’à mettre sur la table un plan de règlement de la crise libyenne. Mais visiblement, cheikh Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane a su trouver les arguments qu’il faut pour convaincre Tripoli et Tobrouk de faire d’Abu Dhabi une étape importante de la réconciliation inter-libyenne.
L’activisme diplomatique des Emirats arabes unis n’est en tout cas pas pour déplaire au président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi. Après tout, Abu Dhabi et Le Caire comptent tous les deux sur le maréchal Khalifa Haftar pour faire barrage au terrorisme et à l’islamisme politique. Tout le monde sait, par ailleurs, que les deux capitales le soutiennent financièrement et militairement. Ce n’est d’ailleurs vraiment pas un hasard si Abdelfattah Al-Sissi se trouvait dans la capitale émiratie lors que la reprise des discussions entre Fayez Al-Sarraj et Khalifa Haftar. L’Egypte et les Emirats arabes unis ont certainement dû agir de concert pour débloquer les négociations inter-libyennes et se poser en bienfaiteurs des Libyens.
Du coup, il semble évident qu’il n’y ait pas lieu d’attendre grand-chose de la réunion d’Alger, des pays voisins de la Libye, du moment que le dossier de la crise libyenne est entre les mains des Emiratis. Cela du moins jusqu’à preuve du contraire. Le constat ne veut cependant pas dire que l’Algérie, la Tunisie, le Niger, le Tchad et le Soudan soient définitivement évincés du règlement de la crise libyenne.
Abu Dhabi et Le Caire savent pertinemment qu’un accord entre Fayez Al-Sarraj et Khalifa Haftar ne suffira pas, à lui tout seul, à ramener la paix en Libye. Un accord ne peut être crédible et durable que si toutes les régions du pays y souscrivent. Et ce n’est pas encore gagné. Actuellement, le seul pays à avoir une bonne touche avec tout le monde reste l’Algérie. Et un jour ou l’autre, Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane et Abdelfattah Al-Sissi viendront certainement lui demander de l’aide.
Sadek Sahraoui
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