Le silence éloquent des Algériens
Par Aziz Ghedia – Aux élections législatives du 4 mai dernier, plus des deux tiers (moins de 65%) des Algériennes et des Algériens, selon les chiffres officiels, n’ont pas daigné se présenter aux bureaux de vote ou alors ils avaient déposé dans les urnes des bulletins blancs, non parlants, donc nuls.
Les Algériens, dont on dit qu’ils sont devenus indifférents à la chose politique, ont plutôt agi de la manière la plus conséquente cette fois-ci. Certes, ils n’ont pas obéi au doigt et à l’œil aux partis boycotteurs, Jil Jadid et Talaie El-Hourriyate, mais quelles que soient les considérations qui ont pu entrer en ligne de compte chez ces abstentionnistes, ces citoyens qui ont bravé les menaces d’une administration toujours faisant fi de la neutralité qui devrait normalement la caractériser dans ces moments de la vie politique du pays, quelles que soient donc les raisons objectives ou subjectives de ces citoyens pour ne pas se rendre aux urnes, «en masse», comme l’a souhaité le Premier ministre, l’on peut d’ores et déjà dire que la prise de conscience est là.
Prise de conscience que les élections, en Algérie, ne servent à rien. Ou plutôt qu’elles ne servent juste qu’à entretenir l’illusion d’un changement, alors que c’est le statu quo – qui pourrait être fatal à plus ou moins court terme – qui est ainsi imposé au pays. On a pu dire, à la suite de la défection de ces Algériens, probablement en majorité jeunes et portés sur les TIC comme le montre leur activisme sur le net, que ceux-ci constituent, en fait, la première force politique du pays, loin devant le FLN et son alter égo, le RND. Encore faudrait-il savoir et pouvoir canaliser cette force silencieusement éloquente, lui inculquer le fait qu’elle constitue une réelle force capable de bouger les lignes en Algérie. C’est à ce niveau-là que devraient travailler dorénavant les partis de l’opposition, la vraie opposition, et non celle qui a fini par céder aux chants des sirènes.
Le but de cet écrit n’est pas de faire une analyse exhaustive des résultats de ces élections. Nous le savions dès le départ, comme à chaque élection en Algérie, que rien n’allait changer au fond et qu’il s’agissait tout juste de reconduire les mêmes partis de la coalition au sein d’une APN dont le rôle n’a jamais été vraiment de proposer aux Algériennes et Algériens des débats politiques d’un haut niveau, quitte à être parfois houleux et contradictoires. Les Algériens savent depuis longtemps déjà que cette vénérable institution ne sert en fait que de chambre d’enregistrement. Les lois proposées par le gouvernement y passent comme une lettre à la poste : sans censure et encore moins de motion de censure de la part des élus de la nation. Dans ces conditions-là, il est tout à fait compréhensif et légitime que les électeurs, le jour du vote, préfèrent faire la grasse matinée ou aller à la pêche, pour ceux qui ont la chance d’habiter pas loin des rivages de la grande bleue et qui disposeraient de cannes à pêche et de moulinets…
A. G.
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