Une contribution de l’expert financier Noureddine Legheliel – Treize propositions pour sortir Sonatrach de la crise
Après avoir lu les rapports financiers annuels de Sonatrach et après avoir constaté, comme tous les citoyens algériens, la série de limogeages des PDG de cette compagnie – cinq PDG en l’espace de sept ans – je suis venu sur les pages de ce journal, et en toute modestie, proposer quelques idées au groupe pétrochimique national qui se trouve en crise.
Il y a lieu de lancer un grand plan d’épargne et de rationalisation des dépenses pour une période de trois ans. Il faut geler pour une période de trois ans toute augmentation des salaires pour les travailleurs de Sonatrach, s’attaquer aux dépenses et plus particulièrement à celles qui sont en dehors de l’activité pétrolière – amont et aval –, et lancer un audit sur certains contrats signés avec des entreprises privées et publiques sous-traitantes avec Sonatrach.
Pour soigner l’image de Sonatrach auprès de ses clients et partenaires étrangers, notre firme nationale doit confier à un bureau d’audit financier international, comme Ernest & Young ou Pricewater, une mission pour le contrôle et la certification de son rapport financier annuel.
Sonatrach ne devrait plus être soumise aux impératifs politiques. Le rôle du gouvernement algérien est de percevoir sa fiscalité annuelle, suivre de très près l’évolution des résultats de cette entreprise et exiger performances et rentabilité financière. Par contre, le gouvernement devrait donner plus d’autonomie aux responsables de cette compagnie, une grande liberté pour les prises de décision et pour les initiatives individuelles de ses dirigeants.
Il est nécessaire de créer un bureau d’études stratégiques dont la mission serait de suivre de près l’évolution des cours du pétrole, du gaz naturel ainsi que le cours du dollar américain. Ce bureau devra fournir à Sonatrach un rapport mensuel contenant analyse et prévisions.
Il faut lier l’augmentation du prix de l’essence à la pompe au taux d’inflation annuel. Nous ne sommes plus dans les années 1950. L’économie algérienne doit répondre aux critères d’une économie de marché, et ce n’est pas avec des décrets ministériels qu’on fixe l’augmentation du prix de l’essence à la pompe. Il serait juste, équitable et rentable pour Sonatrach et pour le consommateur algérien que toute augmentation du prix du carburant à la pompe soit positivement corrélée au taux d’inflation annuel en Algérie. Par exemple, si le taux d’inflation est de 7% pour l’année 2017, on aura une augmentation de 7% du prix de l’essence à partir du 1er janvier 2018.
La création d’un fonds pour encourager et faciliter le retour des cadres de Sonatrach partis travailler à l’étranger est nécessaire. L’expertise de ces cadres est très précieuse en ces temps où Sonatrach paye le prix fort pour l’expertise des étrangers. Un conseil d’expertise regroupant les anciens PDG de Sonatrach et les anciens ministres de l’Energie serait souhaitable.
Il faudrait aussi penser à créer une banque et une compagnie d’assurances. Les travailleurs de Sonatrach seront leurs premiers clients, en attendant que les services de ces deux institutions financières soient, par la suite, élargis au grand public.
Pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, Sonatrach doit saisir l’opportunité qui se présente actuellement pour racheter quelques entreprises américaines spécialisées uniquement dans l’activité du schiste (gaz et pétrole). Ces entreprises se trouvent actuellement dans des situations financières précaires, le marché boursier américain les sanctionne en les sous-valorisant. La compagnie Chesapeake, qui est l’un des pionniers de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, a le mérite d’être la première sur la liste. L’alternative d´une coopération de Sonatrach avec ces entreprises citées est expressément souhaitable.
Il faut aussi revoir la politique de coopération avec Sonelgaz, et en finir avec ce «petit frère gâté». La coopération de Sonatrach avec Sonelgaz doit être définie suivant les critères et les conditions du marché. Sonatrach vend du gaz naturel à Sonelgaz à un prix dérisoire.
Autre solution envisagée, la vente des filiales. Si Sonatrach avait l’intention de vendre quelques-unes de ses filiales, elle devrait opter pour un processus honorant la transparence, et le meilleur serait une privatisation via la Bourse d’Alger. Sonatrach pourrait ainsi sauver cette institution financière qui se trouve dans un sommeil éternel.
Si le statut du Parlement algérien est réellement comme il est défini dans la Constitution algérienne, dans ces conditions, l’APN a pleinement le droit d’avoir un représentant au sein du conseil d’administration de Sonatrach.
Il est préconisé, par ailleurs, l’établissement de liens de coopération avec une banque d’affaires de renommée mondiale. Une banque ayant un prestige et un poids sur les marchés financiers et pétroliers internationaux. Morgan Stanley, Goldman Sachs ou Deutsche Bank répondent à ce critère. Cette banque assistera Sonatrach dans ses transactions financières à l’étranger.
Enfin, le directeur financier de Sonatrach devrait avoir des pouvoirs plus élargis. La première mission de ce directeur, c’est de fixer des objectifs à atteindre en matière de performance, en tenant compte, bien sûr, de la corrélation positive qui existe entre les bénéfices de Sonatrach et l’évolution des cours du Brent et du gaz.
La stratégie classique consiste en une réévaluation totale des actifs de Sonatrach, l’optimisation de la rentabilité des investissements et l’amélioration des ratios financiers de Sonatrach – à travers une rationalisation des dépenses.
Il faut avoir le courage et la détermination nécessaires pour s’attaquer au résultat hors exploitation, qui est devenu avec le temps un vrai fardeau pour les résultats de Sonatrach.
Noureddine Legheliel
Analyste boursier ayant travaillé chez Carnegie Investment
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