L’impossible réconciliation ?
Dans l'interview qu'elle a accordée à Algeriepatriotique, la fondatrice de l’association française Harkis et droits de l’Homme, souhaite, s’adressant aux Algériens, ce qu’elle appelle une réconciliation. Elle reconnaît qu’on en est loin en faisant constater que «50 ans après, des cercueils d'anciens harkis qui souhaitaient reposer dans la terre de leurs ancêtres sont refoulés d'Algérie». Elle n’a pas tort. Pour savoir ce que pensent les Algériens de cette catégorie de leurs coreligionnaires, qui vivent en grand partie en France actuellement, il suffit de rappeler qu’il n’y a pas, en Algérie, d’insulte plus infamante que celle de «harki». Ce mot est entré dans leur vocable courant comme synonyme de traître. Il désigne un individu abject qui ne mérite aucune confiance, aucune considération et qui doit être rejeté par la société. Personne, en Algérie, ne prendrait le risque de déclarer la moindre sympathie à l’égard de tels individus ou parler d’une quelconque compréhension des motivations de leur engagement avec la France coloniale contre leur pays d’origine. L’explication est simple : les exactions commises par ces supplétifs de l’armée coloniale, «normales» dans toutes les guerres, ont été particulièrement horribles et sont restées dans les mémoires. De ce côté de la Méditerranée, la «réconciliation» reste improbable, voire impossible, tant que la France officielle ne reconnaît pas les crimes qu’elle a commis en Algérie et tant qu’elle ne présente pas d’excuses à sa population. C’est le minimum. Or, du côté français, aussi, on est très loin de ce minimum. Certes, de temps à autre, des petites phrases sont lancées par des dirigeants français, la dernière en date émanant de François Hollande, le président français, à propos du massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, mais il n’y a pas encore la déclaration qu’attend l’Algérie. Une partie de l’opinion publique française n’y est pas favorable. Dans les milieux de l’ex-OAS, en particulier, on ne veut pas entendre parler d’excuses. Leurs arguments : «L'Algérie a-t-elle fait des excuses aux milliers de harkis qu'elle a massacrés par familles entières ?» Ils continuent d’accuser le FLN d’avoir «égorgé sans distinction les vieux, les femmes et les enfants qu'ils soient juifs, chrétiens, musulmans, pieds-noirs… ». Les dirigeants français, à supposer qu’ils le veuillent, n’ont pas la tâche facile pour convaincre les milieux récalcitrants d’admettre qu’il faut demander pardon au peuple algérien.
Cherif Brahmi