Des gages ou dégage !
C’était «Moubarak dégage !», c’est maintenant «Morsi dégage !». Les images de la place Tahrir au Caire, vues sur les écrans des chaînes de télévision, ces jours-ci, sont étrangement identiques à celles du temps où la révolte allait chasser Moubarak. Ce sont les cibles des contestataires qui ont changé. Aujourd’hui, la révolte gronde contre la confiscation du mouvement par les Frères musulmans dont l’intention d’instaurer une dictature n’a pas tardé à apparaître au grand jour. Alors qu’il était attendu sur les nombreux problèmes socioéconomiques que rencontre l’Egypte, Morsi a choisi d’agir sur le plan politique en décidant de renforcer considérablement ses pouvoirs, par simple décret. En outre, il compte faire passer en force un projet de Constitution taillée sur mesure pour les islamistes. L’opposition a prouvé qu’elle était déterminée, elle aussi, à imposer ce qui est essentiel à ses yeux, le respect des libertés. Mais il est illusoire de croire que les Frères musulmans vont accepter de laisser émerger, à partir de la place Tahrir, un contre-pouvoir à Morsi. Les observateurs sont unanimes à dire que ce qui intéresse en priorité les Frères musulmans, c’est le pouvoir ; y arriver et s’y maintenir, coûte que coûte, y compris en ayant recours à la violence. Ils se sentent investis de la mission de gardiens de l’ordre et de la morale, et ne se gênent pas pour se constituer en milices dont la brutalité n’a rien à envier à celles des forces répressives du régime déchu. Comme en Tunisie où, fait significatif qui devrait faire réfléchir tous les Marzouki, le leader islamiste Ghannouchi a tenté de justifier l’agression des milices de son parti Ennahda contre des syndicalistes. Dans ce pays également, les islamistes ont confisqué un mouvement auquel ils étaient étrangers au départ et cherchent à étendre leur hégémonie sur la société pour ne plus lâcher le pouvoir. Il n’est pas sûr qu’ils réussissent si les Tunisiens qui s’y opposent maintiennent, comme en Egypte, la mobilisation.
Cherif Brahmi