La Constitution banalisée
En quelques années, le président Bouteflika a procédé deux fois à la révision de la Constitution et la troisième modification est en préparation. Certes, la Constitution n’est pas le Coran, mais à l’échelle d’une nation il s’agit d’un texte quasi sacré qui représente pratiquement l'âme d'un pays, on n'y touche pas à chaque fois que l'envie nous en prend. L’histoire encore toute fraîche de l’Algérie indépendante ne présente pas d’exemples d’interventions aussi fréquentes sur ce qui est la Loi fondamentale du pays. La première Constitution, celle de 1963, concoctée dans une salle de cinéma loin de l’Assemblée nationale qui avait pourtant la mission de l’élaborer, n’avait finalement pratiquement servi à rien puisqu’elle n’a même pas tenu deux ans, avant d’être jetée aux oubliettes le 19 juin 1965 avec le renversement du premier président de la République, Ahmed Ben Bella, qui en était le promoteur. Elle a été remplacée par celle de 1976 qui était principalement destinée à consacrer le régime présidentiel exercé par Houari Boumediene et qui a régi ensuite le pouvoir dirigé par Chadli Bendjedid. Il a fallu attendre févier 1989 pour voir la Constitution subir des modifications en profondeur avec l’introduction du multipartisme et une extension des libertés. Ce fut un grand tournant imposé, dit-on, par les émeutes d’octobre 1988. Le texte fut rectifié en novembre 1996 de façon justifiée, puisque la correction a consisté à ajouter l’article 74 qui limite à deux le nombre de mandats. Beaucoup d’observateurs se sont interrogés sur l’opportunité des retouches qui ont été portées à la Constitution dernièrement et qui ont été guidées par la volonté d’amorcer un retour au présidentialisme et à «libérer» le nombre de mandats présidentiels. Les aspects étroitement politiciens liés aux enjeux de pouvoir ont contribué à donner à ces dernières révisions constitutionnelles, y compris à celle en préparation, une forte connotation conjoncturelle alors que ce texte est fait à la fois pour une longue durée et pour tous.
Kamel Moulfi
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