Qui pense à nos morts ?
Ces images qui nous reviennent chaque 8 mai, relayées sur les écrans des chaînes de télévision étrangères et qui nous montrent les mêmes défilés d’anciens combattants pour commémorer la victoire des Alliés sur le nazisme, suscitent plus que de la révulsion : la même perception étriquée de l’histoire, la même volonté d’embrigader les esprits. Mais, même de ce côté-ci de la Méditerranée, on sent que tout n’est pas encore fait pour rétablir les vérités sur la présence coloniale en Algérie. Que faudrait-il faire encore pour rappeler aux nostalgiques de l’Algérie française, et leurs héritiers politiques, la triste réalité de cette date ? Le 8 mai 1945 doit rester, aux yeux de tout le monde, le symbole d’une longue nuit coloniale, durant laquelle des dizaines de milliers d’Algériens ont été massacrés, à Sétif, Guelma et Kherrata, par les forces coloniales françaises, pour le seul tort d’avoir réclamé, ce jour-là, leur liberté, eux aussi. Massacres qui sont encore à ce jour réduits, dans les discours comme dans les manuels scolaires, à des «événements mineurs», à une banale opération de répression – comme il en existait chaque jour – ou, plus cyniquement encore, à des «débordements incontrôlés» de ces manifestations de célébration de la victoire. Un vrai crime contre l’humanité, dont les responsables devraient être jugés comme des criminels de guerre. Car en célébrant cette journée, les pays de l’Otan fêtent le sang des Algériens, bafouant le souvenir de ces familles entières jetées du haut des falaises de Kherrata, sur lesquelles la sinistre Légion étrangère avait gravé son nom – la gravure est visible à plusieurs centaines de mètres sur les gorges de Kherrata – et où, malheureusement, aucune stèle n’a été érigée en hommage à leur sacrifice. Quand les assassins des 45 000 victimes algériennes seront-elles jugées, même post mortem ?
R. Mahmoudi
Comment (4)
Les commentaires sont fermés.