La mise à nu
Encore une fois, les femmes sont la cible privilégiée des islamistes. Les libertés qu’elles prennent pour se conduire en société ne leur plaisent pas. La façon de s’habiller, qu’ils qualifient exagérément de «dénudée», est bien sûr le prétexte le plus facile qu’ils utilisent pour amorcer la mobilisation des esprits faibles et vulnérables ; les éclats de rire aussi, jugés indécents, sont une forme d’affirmation de soi interdite pour les femmes dans le guide social islamiste. Un certain «front de l’éveil islamique», se réclamant carrément du salafisme, appelle ouvertement à faire la guerre aux femmes. Ses tracts, qui se multiplient ces jours-ci, signés par le même chef, rejoignent sur le terrain la campagne lancée en sous-main par le MSP d’Abderrezak Mokri qui utilise son organisation estudiantine satellite pour s’attaquer aux étudiantes dans les universités, dévêtues à son goût. Il y a une convergence, sur le terrain, qui s’amorce ou qui est recherchée entre le «front de l’éveil islamique» et le MSP, dans une tentative – à coup sûr vaine – de conquête de l’adhésion de la population en profitant du discrédit jeté sur les islamistes «institutionnels» récupérés par le système et recyclés dans ses rouages. Les arguments de cette offensive sont teintés de religion et les termes utilisés dans les tracts visent à porter atteinte à l’honneur des jeunes filles et des femmes libres, qui étudient ou travaillent, fréquentent les espaces publics, dans une mixité qui n’a jusqu’à ce jour dérangé personne d’autre que ces salafistes. Ils en appellent à l’intervention de la famille, en fait aux hommes de la famille, et même des autorités, dont ils dénoncent (famille et autorités) une démission qui a favorisé, selon eux, l’émergence d’une génération de femmes «nues». On connaît ce scénario et la suite l’Algérie l’a déjà vécue : la femme «moderne» du point de vue vestimentaire, celle qui ne se couvre pas du hidjab, du djilbab ou du niqab, sera présentée en bouc-émissaire de tout ce qui ne va pas et servira à faire diversion sur les causes réelles des problèmes auxquels sont confrontés les Algériens. Ces mêmes salafistes gênés pas la «nudité» des Algériennes refuseraient-ils une invitation du prince du chef de file des wahhabites, le roi d’Arabie Saoudite, sur son terrain jouxtant une plage nudiste sur la Côte-d’Azur ? Rien n’est moins sûr.
Karim Bouali
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