Constantinople se réveille
Le Park Taksim Gazi, à Istanbul, entre dans l’histoire par la même porte que la place Tahrir du Caire, celle de la résistance à l’autoritarisme que veulent imposer les islamistes au pouvoir en Turquie et en Egypte auxquels on peut ajouter la Tunisie et son avenue Bourguiba. Un même combat est mené dans ces trois pays. Il n’y a aucun doute, Erdogan est sur les traces de Moubarak et Ben Ali. Comme eux, il a l’illusion que la situation se calme et lance : «Je vous ai compris.» Et comme eux, il croit s’en sortir avec de plates excuses à propos de son projet. Face à la presse, le vice-Premier ministre turc a présenté ses excuses et évoqué une discussion à propos du Park Taksim Gazi. Alors que les manifestations en sont à leur cinquième jour de violences et un deuxième mort, il propose aujourd’hui de discuter avec les manifestants qu’il a traités hier de «poignée de vandales». Les manifestants n’ont pas peur du gouvernement ni de sa répression, et ils veulent s'en débarrasser aussi vite que possible. La colère populaire qui a fait sortir des centaines de milliers de personnes, de tendances politiques différentes, dans les rues d'Istanbul et d’autres villes de la Turquie, est l'aboutissement de 11 années de gouvernement AKP. La goutte d’eau qui a précipité cette colère est, non pas l’abattage d’arbres qui n’en a été que le prétexte, mais une combinaison d’un facteur externe, la politique antisyrienne du gouvernement AKP, et d’un facteur interne, l'accélération de l’islamisation de la vie publique. Sur ce point qui constitue une menace sur les libertés individuelles, les dirigeants de l’AKP font mine d’accuser les fonctionnaires intermédiaires et leur excès de zèle. Ils subissent non seulement la pression populaire qui vient de la rue mais aussi celle du président Gül qui ne parle pas le même langage que Premier ministre Erdogan. La crise au sommet provoquée par les manifestants pourrait conduire à un clash visiblement inévitable. Le président Gül, lui-même islamiste, ira-t-il dissoudre l’assemblée et provoquer le départ d’Erdogan ? Cette issue n’est pas exclue.
Kamel Moulfi
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